Nouvelle Vague mode d’emploi
Le 27 février 2007
1964. La Nouvelle Vague à la recherche d’un second souffle. Un film à sketches un peu inégal mais précieux témoignage de l’un des mouvements artistiques les plus importants du XXe siècle.
- Réalisateurs : Jean-Luc Godard - Claude Chabrol - Éric Rohmer - Jean-Daniel Pollet - Jean Rouch - Jean Douchet
- Acteurs : Stéphane Audran, Claude Melki, Micheline Dax, Claude Chabrol, Joanna Shimkus
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc, Film à sketches
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse , Opening
- Durée : 1h30mn
- Reprise: 20 juillet 2005
- Date de sortie : 19 mai 1965
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Résumé : Six réalisateurs emblématiques de la Nouvelle Vague revisitent Paris à leur manière, échafaudant des fictions au cœur des quartiers de la capitale. Tandis que Jean-Daniel Pollet vagabonde rue Saint-Denis, Jean Rouch s’intéresse à la gare du Nord, Jean Douchet à Saint-Germain-des-Prés et Éric Rohmer à place de l’Étoile. Jean-Luc Godard hésite entre Montparnasse et Levallois, alors que Claude Chabrol préfère La Muette.
Critique : En 1964, la Nouvelle Vague a déjà un peu de plomb dans l’aile. Nombre de ses réalisateurs phares (Rivette, Godard) viennent d’essuyer de cuisants échecs publics et peinent à trouver des financements. Les membres des Cahiers du cinéma, berceau du mouvement, se déchirent (Rivette l’emporte sur Rohmer, évincé). Divorce qui laisse bébé désemparé. À la rescousse, un jeune producteur aventureux, Barbet Schroeder. Recourant à la double souplesse (financière et artistique) du 16mm et du film à sketches alors en vogue, il propose un court métrage à six réalisateurs représentatifs du mouvement (manquent tout de même Rivette et Truffaut, pas rangés du bon côté de la bannière). Film manifeste, Paris vu par... forme un ensemble à la fois composite et cohérent.
Le format 16mm offre de multiples possibilités de mouvement, largement exploitées (notamment par Jean Rouch, qui opte pour deux longs plans-séquences). La photographie, l’utilisation de la couleur et des décors naturels en extérieurs (six quartiers différents de Paris) et intérieurs (appartements divers, boutique, ateliers de garagiste ou d’artiste, métro, tous réels) participent également de cette unité formelle. Cohérence esthétique donc et, plus largement, dans la démarche et l’approche, qui se veut réaliste, ou vérité (même si le recours à la post-synchronisation est fréquent, comme dans la plupart des films estampillés Nouvelle Vague).
Passés ces points communs et similarités, chaque cinéaste se distingue et dispose de son style et des ses thématiques propres, avec plus ou moins de réussite. Parmi ces dernières, citons le fragment de Jean Rouch, témoignage fort et tragique des temps qui changent, et celui de Jean-Daniel Pollet, savoureux échange entre un client timide et une prostituée forte en gueule, formidablement interprétés par Claude Melki et Micheline Dax. Chabrol se lance dans une féroce satire des bourgeois du XVIe, qu’il précipite sans retenue dans la bouffonnerie après l’avoir joyeusement matraquée. Jouissif jeu de massacre, épaulé par l’interprétation du réalisateur soi-même et de son épouse de l’époque, Stéphane Audran. Godard, qui partage la mise en scène avec l’Américain Albert Maysles, interroge à nouveau les rapports de couple sur un mode assez amusant. En bon phallocrate, il en impute l’échec à la femme. Jean Douchet s’amuse des mœurs des gigolos de Saint-Germain, à travers le regard d’une oie blanche américaine. Il laisse un petit goût d’inachevé et aurait sans doute bénéficié d’un format un peu plus long. Enfin Rohmer mène d’un ton alerte et distancié une réflexion sur les passages cloutés de la place de l’Étoile et le respect de la loi, mais ne convainc qu’à moitié.
Qualité et intérêt inégaux donc pour ce Paris vu par..., mais incontestablement un témoignage précieux et marquant sur l’un des courants artistiques majeurs du XXe siècle.
LE DVD (éditions Montparnasse)
Le(s) supplément(s) à ne pas manquer : Outre un court document d’époque regroupant les intéressantes interviews de Barbet Schroeder, Jean Rouch et Claude Chabrol, qui expliquent leur démarche, l’éditeur propose trois films. D’abord une présentation du film par Noël Simsolo et une analyse du film par Jean Douchet, qui a la particularité d’avoir réalisé l’un des courts métrages. Tous deux concourent à éclairer l’entreprise en la situant dans son contexte. Ils en analysent également les enjeux et conséquences esthétiques, historiques, économiques. Enfin, un ultime entretien est plus directement consacré à la carrière de réalisateur de Jean Douchet. Modeste en nombre de films, elle en compte quelques-uns de qualité (notamment l’adaptation de La servante aimante, d’après Goldoni). Éminent critique, il y affirme avoir privilégié cette discipline à la réalisation, en trop grand amoureux du cinéma pour ne le servir, d’après lui, que médiocrement. Un touchant aveu.
Image & son : Le film a bénéficié d’une restauration. L’image est excellente et rend hommage au travail sur les couleurs, notamment les plus vives, particulièrement pointu. Le son, mono d’époque, est parfaitement satisfaisant.
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