Le 12 octobre 2024
Le Landru de Chabrol est filmé comme une sinistre comédie. Le réalisateur y déploie tout son talent, à travers des situations qui mélangent les registres. Dans le rôle-titre, Charles Denner est excellent.
- Réalisateur : Claude Chabrol
- Acteurs : Stéphane Audran, Danielle Darrieux, Pierre Vernier, Juliette Mayniel, Michèle Morgan, Charles Denner, Catherine Rouvel, Mario David, Henri Attal, Françoise Lugagne, Philippe Castelli, Mary Marquet, Claude Mansard, Denise Provence, Hildegard Knef, Sacha Briquet
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Lux Compagnie Cinématographique de France
- Durée : 1h55mn
- Date télé : 17 juin 2020 14:00
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 25 janvier 1963
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Résumé : Henri-Désiré Landru est le premier tueur en série français identifié. Pour subvenir aux besoins de sa femme et de ses quatre enfants, il décide de séduire des femmes seules et riches qu’il élimine après leur avoir fait signer une procuration. Il brûle ensuite leurs corps dans sa cuisinière.
Critique : Landru est d’abord un crâne tonsuré que la caméra saisit par le dessus, comme une fausse auréole, preuve de la duplicité du personnage : à la fois bourgeois élégant et tueur sans scrupules. Dans la première scène, le père de famille à table domine femme et enfants, se plaint du repas.
Après cette séquence inaugurale, le récit déroule la sinistre biographie de l’assassin. Mais des trafics d’objets en tout genre, des premières malversations qui engendrèrent plusieurs condamnations judiciaires, il ne sera quasiment pas question. Claude Chabrol et sa co-scénariste Françoise Sagan s’intéressent tout de suite aux crimes les plus sordides. Cela commence d’abord par des petites annonces, puis des rendez-vous donnés dans le jardin du Luxembourg à des femmes seules : Landru est une sorte de mort-vivant, le teint cireux, affublé d’une barbe méphistophélique, qui prend les apparences d’un homme du monde. Tout de suite, le film nous dit clairement que le criminel est le produit de son temps, d’où les images récurrentes de la Première Guerre mondiale, cette autre boucherie.
Son premier meurtre perpétré, Landru ritualise la distribution d’argent aux membres de sa famille, qui ne disent mot. Pas de question sur la provenance, on se contente d’accepter.
Chabrol orchestre un cauchemar aux apparences d’une sinistre comédie, où l’on chante beaucoup. Mais c’est une seule voix, gutturale, celle du très bon Charles Denner, qui fait planer la perspective d’une constante menace. Riche en références artistiques, le long métrage convoque le cinéma muet, lors d’une séquence aux décors théâtralisés que le réalisateur filme en plan fixe (la séduction de Célestine, jouée par Michèle Morgan) ou organise le ballet de la chasse aux femmes seules, au cours d’une traque chorégraphiée : le prédateur suit sa proie comme une ombre, tandis qu’une partition musicale enjouée s’interrompt brutalement quand l’homme franchit à son tour le porche du bâtiment où la femme habite. Qu’il photographie un modèle, en ayant l’air d’un personnage issu du cinéma expressionniste, qu’il déclame des vers de Baudelaire, de Lamartine, qu’il offre des fleurs, le protagoniste revu par le réalisateur est une présence constamment mortifère, mais aussi protéiforme, dont il n’est pas besoin de mettre en scène la violence : il suffit d’en montrer les effets. Chabrol fige les images de ces femmes massacrées avant de privilégier l’ellipse : chaque fois, une cheminée fume. L’enchaînement des assassinats, la redondance des séquences (invitations à l’opéra, voyages en train, procurations soustraites aux victimes) configurent le portrait d’un serial killer. On attend évidemment le moment où la litanie des terribles actions s’interrompra, où Landru sera démasqué. Une première alerte survient lorsque l’homme est surpris par son fils au bras d’une maîtresse, Fernande, mais le manipulateur parvient à s’en sortir. Il sera finalement appréhendé dans un décor de vaudeville, par une police d’opérette. Si la scène du procès s’avère un peu longue et plutôt académique, ce film, globalement sous-estimé dans la carrière de son auteur, mérite d’être réévalué à l’aune de son évidente qualité artistique.
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