Le 7 septembre 2022
Tout en finesse, avec authenticité, ce court roman dit les blessures des enfants devenus adultes, des parents qui se sont frottés à l’Histoire, des souvenirs qui s’effritent et se confrontent, à la fois étais et rabots les uns pour les autres.


- Auteur : Gaëlle Josse
- Collection : Notabilia
- Editeur : Éditions Noir sur Blanc
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 18 août 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Résumé : Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l’oubli. Après de longues années d’absence, elle appréhende ce retour. C’est l’ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer. Entre eux trois, pendant quelques jours, l’histoire familiale va se nouer et se dénouer. Sur eux, comme le vol des aigles au-dessus des sommets que ce père aimait par-dessus tout, plane l’ombre de la grande Histoire, du poison qu’elle infuse dans le sang par-delà les générations murées dans le silence.
- Crédits : Noir sur Blanc
Critique : Dans cette sorte de huis clos au cœur d’un village dans l’ombre bleue des montagnes, trois personnages se confrontent après des années de silence. Isabelle revient dans la maison de son enfance, appelée par Olivier, son frère, qui veut lui parler, lui annoncer que leur père entre dans sa nuit, que sa mémoire fuit, s’enfuit, s’enfouit dans les ténèbres – le présent s’efface de son esprit pour laisser le passé prendre le pas, ce passé dur mais tu, ce passé qui pèse lourdement sur la famille depuis des décennies. Dans les pensées d’Isabelle aussi se réinvitent hier, ces blessures de l’enfance qui l’ont marquée, ne guériront pas et sont à l’origine de cette distance entre père et fille. Jamais aimant, jamais bavard, plutôt taciturne, froid, parfois même cruel, il est désormais fébrile sous des dehors solides de guide des montagnes – ses cris nocturnes l’ont rattrapé.
La fille mal-aimée s’adresse à lui, évoque des réminiscences, des douleurs anciennes et plus récentes d’une vie qu’il ne connaît plus. Puis, c’est lui qui prend la parole, qui explique, enfin, à ses enfants les cris de la nuit, les silences, l’absence de sourire, d’affection apparente. Olivier conclura ce court roman, mené avec humanité, finesse. Gaëlle Josse crée en effet des personnages authentiques, attachants. Elle dévoile peu à peu les tensions, explique avec justesse et simplicité les rouages de cette famille triste et fracturée par les silences et les regards, les mots trop durs. Parfois, parmi ses énoncés prosaïques, une phrase se détache, lumineuse, poétique, contribuant au rythme du récit, plus ample de page en page, mais aussi à sa beauté discrète et d’autant plus précieuse.
Gaëlle Josse - La nuit des pères
Noir sur Blanc
192 pages
16 euros
Spitfire89 26 janvier 2025
La nuit des pères - Gaëlle Josse - critique du livre
Un roman court et dense, Gaëlle Josse y parlera de la violence d’un père dont la conscience est rongé depuis sa jeunesse suite à un événement traumatique. Un père emmuré dans le silence, on plonge dans les souvenirs d’un homme en colère et imprévisible. Une plume juste mettant en scène une famille meurtrie, pudeur, amour et relation filaire. Une histoire dans un vase clos.
Une histoire intime poignante, percutante, bouleversante, des échanges et de la réflexion.
Une lecture que je vous conseille afin de découvrir les secrets de cette famille.
"Je lui ai demandé pourquoi on appelait cet endroit la Croix-Haute, alors qu’il n’y avait aucune croix visible alentour.
Il y a eu une croix, ici, mais elle a été descellée, arrachée il y a de nombreuses années. Je crois que c’est mieux comme ça. Si c’est Dieu qui a créé ces merveilles, ce n’est pas la peine de défigurer son œuvre avec une ferraille tarabiscotée. Et s’il n’existe pas, si tout cela est le résultat d’un assemblage aléatoire d’atomes, alors c’est encore moins nécessaire."
" Je me souviens de la force de ses doigts plaqués sur la céramique, sur sa poitrine, difficile de la lui faire lâcher sans forcer, j’avais peur de lui faire mal. Derrière nous, l’appariteur passait d’un pied sur l’autre, vaguement impatient, blasé. Je me souviens du crissement de ses semelles en caoutchouc sur le sol en ciment, avec quelques brins d’herbes égarés entre les joints. Elle avait fini par déposer elle-même la sphère bleue, ses mains tremblaient, j’avais touché son bras et senti combien son tremblement venait de loin, de très loin sous la maigreur de ses épaules. Nous sommes repartis tous les deux, elle pas très assurée et moi le bras accroché au sien, je ne savais que faire d’autre."