Flesh Empire - La chronique BD

Dans ce récit qui mêle dystopie et enquête de science-fiction, Yann Legendre a visiblement cherché à donner une poésie que les grands classiques du genre comme Le Meilleur des mondes ou Tron n’ont pas su acquérir. En effet, les recherches du professeur Zimov, les plaisirs de la comtesse, les décisions du Sénat se font dans une linéarité entrecoupée de pages recherchant le silence et la contemplation, face à un monde où la peau va chercher un moyen d’apparaître puis de se propager. Dans un monde inhumain au sens où celui-ci est absent, quoi de mieux que de le faire apparaître ? Étrangement, l’ambiance de technocratie omnipotente n’est pas du tout pesante, et l’on retient plutôt un bar aux identités brouillées qu’une discussion entre les pontes numériques, preuve que les qualités de cette BD se trouvent plutôt dans le dessin.

Yann Legendre / Casterman

De fait, la force principale de l’album réside dans son choix, bichromie noir et blanc tachetée d’un rose pâle et peau, formes kaléidoscopiques aussi hallucinantes que fascinantes, décors de SF noire, comme un polar où I Robot inverserait les rôles entre hommes et robots (et en cela pas très loin d’un Latium de Lucazeaux). L’intelligence artificielle, ses limites et ses promesses, sont bien présentes mais c’est son traitement graphique qui intéresse, une fois encore, avec des visages, des traits qui jouent sur les différences et les résistances.

Yann Legendre / Casterman

Album original et maîtrisé, Flesh Empire est plus une fulgurance graphique qu’une nouveauté de science-fiction. Son auteur, passé notamment par Lucasfilm et Disney, semble vouloir donner corps à son monde SF, et surtout le créer visuellement.