Le 20 novembre 2024
Passionnante radioscopie clinique, politique et sociétale, aux faux airs lynchiens, L’effacement est sans doute le meilleur film de son réalisateur.
- Réalisateur : Karim Moussaoui
- Acteurs : Nadia Kaci, Zahr Amir Ebrahimi, Idir Chender, Sammy Lechea, Hamid Amirouche, Nassima Benchicou
- Genre : Drame, Fantastique, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français, Allemand, Algérien
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h31mn
- Date de sortie : 7 mai 2025
- Festival : Rencontres cinématographiques de Cannes, Festival d’Angoulême 2024
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Résumé : Réda vit chez ses parents dans un quartier bourgeois d’Alger. Il occupe un poste dans la plus grande entreprise d’hydrocarbures du pays dirigée par son père, un homme froid et autoritaire. Sous tous ces vernis apparents, Réda dissimule un mal-être profond. Un jour, le père meurt et un événement inattendu se produit : le reflet de Réda disparaît du miroir…
Critique : Réalisateur algérien, Karim Moussaoui a été révélé par trois courts métrages et un moyen métrage, Les jours d’avant (2013), remarqué dans plusieurs festivals et nommé aux César. Après le documentaire Celles qui chantent (2020), coréalisé avec Jafar Panahi et Sergei Loznitsa, il a abordé la fiction en format long avec le subtil En attendant les hirondelles (Un Certain Regard 2017), qui touchait à une thématique à la fois intemporelle et d’actualité : la difficulté pour un pays (et pas seulement l’Algérie) à concilier tradition et modernité, avec des personnages issus de plusieurs couches de la société algérienne. Coécrit avec Maud Ameline, et coproduit avec la France et l’Allemagne, L’effacement poursuit dans cette veine, avec davantage de maîtrise technique et surtout une ambiguïté des personnages troublante, loin du manichéisme de nombreux films sociopolitiques. En même temps, Moussaoui parvient un ciseler un récit d’une rare intelligence elliptique, mêlant les genres dans une approche ne cherchant pas à caresser le spectateur dans le sens du poil.
- © 2024 Les Films Pelléas / Ad Vitam. Tous droits réservés.
Le film brosse le portrait de Réda, un jeune homme doux (en apparence) et taciturne, issu de la grande bourgeoisie algérienne, et qui subit la domination de son père, un cadre dirigeant dans une grande entreprise publique pétrolière. Ce dernier souhaite le placer à un poste stratégique dont il tirera les ficelles, tout en cherchant à le marier à une riche héritière. Semblant en apparence accepter à contrecœur les injonctions parentales, Réda verra son existence bouleversée à la suite de plusieurs événements, dont le décès du patriarche et une agression qu’il subit lorsqu’il est contraint d’effectuer son service militaire. Le long métrage, qui est au départ axé sur la vie de l’entreprise et ses effets sur un groupe familial, à l’instar de Ressources humaines de Laurent Cantet, prend très vite une autre dimension avec des éléments de fantastique, de violence horrifique, de parabole politique, mais aussi de chronique sentimentale, lorsque Réda noue une idylle avec une restauratrice quadragénaire qui a le pouvoir de panser ses plaies psychologiques, et qu’interprète avec beaucoup de justesse Zar Amir Ebrahimi (Les nuits de Mashhad).
Pour apprécier L’effacement, il faut se laisser bercer par le rythme à la fois lent et oppressant du récit, et ne pas chercher à trouver des explications systématiquement rationnelles au comportement étrange du protagoniste, dont on ne sait s’il est confronté à des événements paranormaux ou si une folie intérieure le ronge. Le film convoque ainsi le souvenir d’autres œuvres du cinéma ayant joué sur cette ambiguïté, de Belle de jour de Buñuel au méconnu Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore, en passant par Lost Highway de Lynch. Plusieurs séquences resteront ainsi mémorables, comme celle où le jeune homme met un drap sur les miroirs qui refusent de refléter son visage dans une chambre d’hôtel. En même temps, le cinéaste confirme qu’il est un formidable conteur, apte à créer des métaphores efficaces sur les fêlures de la société algérienne, ses rapports de classe et de genre compliqués (glaçante scène de violence contre une jeune femme dans un restaurant chic), mais aussi les humiliations dont peut être victime sa jeunesse (l’annonce d’un licenciement par téléphone, entre autres), par-delà les différences de statut. L’effacement est donc le meilleur film de son auteur et nous ne pouvons que le recommander.
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