En attendant les hirondelles - Karim Moussaoui - critique

Critique : Auteur de trois courts métrages et d’un moyen métrage Les jours d’avant très remarqués (sélections des festivals de Locarno, Clermont-Ferrand, Brive, et nomination au César du « Meilleur court-métrage »), le jeune réalisateur algérien Karim Moussaoui n’en finit plus de se pencher sur l’incapacité de son pays à surmonter les séquelles des traumatismes de toutes natures qui lui ont été infligés ces dernières décennies. Appuyant son récit sur les détails de la vie ordinaire de personnages confrontés à la question de ce changement que l’on espère sans vraiment se donner les moyens d’y parvenir, de celui que l’on subit parce que l’on n’a pas d’autre choix, au cœur d’une société depuis longtemps habituée à enfouir désirs et secrets, il nous livre son observation dynamique et poétique, mélancolique et optimiste, à travers quelques portraits d’hommes et de femmes aux prises avec la vie, le quotidien et l’histoire récente de l’Algérie. Les hirondelles annoncent le retour du printemps et avec lui l’attente du renouveau, et symbolisent l’espoir toujours déçu du peuple algérien.

Copyright Hichem Merouche

Des plans panoramiques nous permettent de suivre l’évolution d’une voiture qui se déplace à allure modérée dans un quartier chic du centre d’Alger. Mourad, homme d’affaires sexagénaire qui a fait fortune grâce à l’immobilier et quelques combines, se rend chez son ex-femme Lila qui ne cesse de se plaindre de l’immobilisme de son pays. Il doit tenter de convaincre son fils de continuer ses études de médecine. En route, il tombe en panne et assiste bien malgré lui à un règlement de compte. Il détourne les yeux pour ne pas avoir à porter secours à ce blessé qui baigne dans son sang. Mourad et Lila forme un couple moderne dans un environnement conservateur et même s’ils souhaitent que les choses changent, il est fort à parier que pour préserver leurs privilèges, ils continueront à accepter quelques compromis nécessaires.

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Djalil et Aïcha s’aiment depuis longtemps mais Djalil n’est pas assez riche pour faire un bon parti pour la jeune fille qui accepte d’épouser un ami de la famille qu’elle n’a pas choisi, car elle sait que c’est le sort que son pays de naissance lui a réservé.
Dahman est médecin et ne rêve que de réussite sociale. Il veut surtout laisser loin derrière lui le souvenir de cette sale guerre qui a opposé les islamistes aux militaires et dont il a été le témoin. Elle se rappelle pourtant à lui à travers l’existence d’un enfant qui ne parle pas et ne s’exprime que par des cris à vous retourner l’âme, celui de tous les exclus à qui l’on ne vient pas en aide. Dans un premier temps, il refuse la responsabilité qui lui incombe puis se ravise. C’est sans doute pour lui le seul moyen d’effacer ces fantômes qui le hantent.

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Trois histoires dont les personnages se relaient pour nous emmener dans un voyage du nord au sud du pays, du centre-ville léché d’Alger à sa banlieue lépreuse, des paysages semi-désertiques des Aurès aux constructions autoroutières toutes neuves, des intérieurs bourgeois aux bidonvilles perdus au milieu de nulle part, trois situations qui soulignent avec tact et intelligence, le risque qu’il y a à renoncer à ce qui est dans « l’ordre des choses », même si c’est à l’encontre des rêves auxquels on aspire. Loin de tout préjugés ou jugement, Karim Moussaoui fait le choix d’images délicatement suggérées plutôt que de grandes envolées lyriques. Il enveloppe ses personnages dans une bulle d’empathie et de bienveillance communicative propre à créer une osmose immédiate entre le film et les spectateurs. Les mouvements de caméra alliés à la musique et à la fluidité des corps nous immergent dans une atmosphère d’émotion et de réflexion. La fin fait entrer un nouveau personnage, maillon supplémentaire d’une chaîne qui ne doit pas s’interrompre sous peine d’annihiler tout espoir de progrès. Une bien jolie façon d’affirmer que l’évolution d’une société passe davantage par l’engagement des individus que par le bon vouloir de l’État.