Le 24 septembre 2020
Film charnière qui annonce le Nouvel Hollywood, le film d’Arthur Penn dresse un constat implacable sur une société américaine gangrénée par la compromission, la discrimination et la violence.


- Réalisateur : Arthur Penn
- Acteurs : Marlon Brando, Robert Redford , Jane Fonda, E.G. Marshall, Paul Williams, Robert Duvall, Miriam Hopkins, Henry Hull, Angie Dickinson, James Fox, Jocelyn Brando, Janice Rule, Richard Bradford, Martha Hyer
- Genre : Drame, Thriller, Policier
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Park Circus France
- Durée : 2h15min
- Date télé : 10 décembre 2024 20:50
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 17 octobre 2018
- Titre original : The Chase
- Date de sortie : 15 septembre 1966

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Résumé : Au Texas, le retour d’un évadé de prison dans sa ville natale déchaîne les passions. Le shérif se promet de trouver le fugitif avant que la foule ne s’en empare.
Critique : Un an avant son grand succès, Bonnie and Clyde, Arthur Penn tourne l’un de ses films importants, qui est une évocation sans concession de la société américaine des années 60 et augure, à la fois par son propos anti-establisment et son style, le cinéma du "Nouvel Hollywood". Le regard acéré que porte le long métrage sur une petite ville du sud des États-Unis, raciste, se cristallise dans les propos d’une femme noire, qui ne veut pas écouter l’avertissement de son fils, lorsque celui-ci aperçoit l’évadé que joue Robert Redford : elle ne se sent pas concernée, ce sont des affaires de Blancs. Il n’y a, dans le portrait des différents protagonistes, aucun défaut qui ne manque et ne participe d’une ambiance délétère où le mépris social, la discrimination des Noirs, la vengeance, le mensonge et l’hypocrisie des classes dominantes, se synthétisent dans un infâme brouet qui s’appelle la violence.
Il suffit d’une situation d’entropie (la fuite d’un détenu) pour que les réactions suscitées dévoilent au grand jour la vraie nature d’un petit microcosme détestable. Penn l’observe avec une acuité rigoureuse, dont Denis Hopper se souviendra, lorsqu’il tournera Easy Rider, en 1969. Si la première partie du film s’accommode encore des grands espaces propres aux westerns de l’âge d’or hollywoodien, la suite se resserre sur des endroits moins vastes et tourne le dos à la bienséance édictée par le code Hays, réécrit en 1966, année décidément charnière. Les héros positifs, au service d’une intention morale, semblent désormais appartenir au passé. Penn documente le malaise américain, comme le feront ses émules de la nouvelle génération : Nichols, Hopper, Malick ou Altman. Dans cet océan de corruptions, le placide shérif joué par Marlon Brando, absolument pas dupe, même désabusé, demeure une sorte de roc immarcescible, en particulier dans cette soirée mondaine à laquelle il participe et qui constitue un segment important du film. L’œil ironique du réalisateur s’attarde, documente l’ethos d’une bourgeoise ridicule, méprisable. Certains pourront voir dans ce héros une sorte de projection symbolique du metteur en scène, affrontant la corruption des studios américains avec lesquels il entretint des relations conflictuelles, tout au long de sa carrière. D’ailleurs, le réalisateur fut dessaisi du montage de La Poursuite impitoyable par le producteur Sam Spiegel, à qui Penn ne pardonnera jamais. Si le film souffre de quelques longueurs, il n’en reste pas moins un jalon dans l’histoire du cinéma américain et sa dernière demi-heure, d’une terrible intensité, résolument sombre et brutale, demeure en mémoire. Quant aux problématiques qu’aborde l’histoire, elles n’ont rien perdu de leur actualité.