Le 15 mai 2024
Formidable récit tout en nuance sur le désir, l’adolescence et le handicap, Simón de la montaña bouscule les genres au cinéma en cultivant une ambiguïté certaine du personnage principal. Un premier film argentin absolument fascinant.
- Réalisateur : Federico Luis
- Acteurs : Lorenzo Ferro, Kiara Supini, Pehuén Pedie
- Genre : Drame
- Nationalité : Argentin, Chilien, Uruguayen
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h38mn
- Date de sortie : 26 mars 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Cannes 2024 : Semaine de la Critique, Grand Prix
Résumé : Simon a vingt-et-un ans. Il se présente comme aide-déménageur. Il dit ne pas savoir cuisiner ni nettoyer une salle de bains, mais en revanche il sait faire un lit. Depuis quelque temps, il semble devenir quelqu’un d’autre…
Critique : Ce jeune aux cheveux rasés penche étrangement la tête d’avant en arrière. Il a les yeux hagards, vidés, comme s’il était atteint d’une forme d’autisme. D’ailleurs, la première scène d’ouverture le montre au milieu d’un groupe d’adolescents handicapés mentaux. Ce n’est pas vraiment son monde, mais il est poussé par le hasard de la vie et son amitié pour un garçon apparemment handicapé mental à intégrer l’école. Voit-il dans cette admission un moyen d’échapper à la dureté du quotidien entre un beau-père qui le fait travailler comme aide-déménageur, une mère aimante et violente à la fois et un avenir sans perspective ? Federico Luis ne donne aucune réponse définitive à la question, se contentant de mettre en scène un garçon qui semble aussi hors norme que parfaitement en capacité intellectuellement et psychiquement de se débrouiller seul.
- Photo Lorenzo Ferro
Il faut beaucoup de courage et de détermination pour s’engager dans un film qui traite du handicap, dans un pays, l’Argentine, où les conditions de production et de réalisation ne sont pas les meilleures. Le point de vue de Federico Luis est d’abord altruiste. Le jeune cinéaste filme la beauté du monde à travers le regard distordu de jeunes personnes en situation de handicap, si distordu d’ailleurs que le spectateur finit par ne plus voir chez eux toute trace de handicap et de différence. La dimension même du handicap se déplace au sein même du domicile familial de Simon où règnent la violence, la pénibilité du quotidien et l’ambivalence des sentiments filiaux. Au tour alors de cette mère de devenir handicapée, dans l’impossibilité qu’elle a de recueillir la parole de son fils et de l’aimer comme il se doit.
Simón de la montaña est une œuvre très aboutie dans sa mise en scène et son analyse des choses. Il y a dans la façon de filmer les personnages un goût de l’humanité très profond. Le réalisateur montre des jeunes gens en situation de handicap dans toutes leurs richesses, mais aussi un père attentionné pour sa fille déficiente, et la capacité d’amour d’un adolescent pour une jeune fille handicapée. Le scénario bouscule les normes et les représentations et offre une vision décalée et anticonformiste du monde. La photographie très soignée participe à cette mise en valeur de la vie réelle où l’anormalité se confond avec la normalité dans un écrin de paysages montagneux.
- Copyright 20/20
Il faut saluer la performance du jeune comédien Lorenzo Ferro, qui incarne avec beaucoup de trouble l’ambiguïté d’un adolescent pas tout à fait adapté au monde, et qui force en même temps les traits du handicap. Cette lutte pour obtenir une reconnaissance du statut de handicapé témoigne aussi d’une société argentine au bord de l’asphyxie économique, où la moindre allocation est une garantie de survie. En même temps, le film ne délivre pas un discours univoque. L’un des enjeux du personnage principal est de montrer l’éveil d’un désir qui soit capable de dépasser ce que bien d’autres verraient comme une tare ou une vulnérabilité repoussante. Au contraire, c’est un garçon ouvert, amoureux, enfin respectueux des femmes là où les adultes qui l’entourent auraient besoin, eux, de faire preuve de plus d’intelligence et de sensibilité.
Simón de la montaña apparaît comme une œuvre novatrice et follement inventive. Elle bouscule les codes de la narration, et offre une vision du monde tout aussi décalée que foudroyante, rappelant d’ailleurs quelques perles de la Semaine de la Critique à Cannes comme Party Girl où les comédiens professionnels et amateurs jouaient avec le norme et les limites sociales.
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