Le 13 août 2024
Dans la langueur estivale d’une propriété jouxtant la mer, un trio sentimental se jauge. Un des meilleurs films d’Éric Rohmer.
- Réalisateur : Éric Rohmer
- Acteurs : Patrick Bauchau, Daniel Pommereulle, Haydée Politoff, Mijanou Bardot
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h30mn
- Date télé : 7 janvier 2022 20:40
- Chaîne : OCS Géants
- Date de sortie : 2 mars 1967
- Festival : Festival de Berlin 1967
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Résumé : Saint-Tropez, été 1967. Deux jeunes hommes se retirent un mois – sans leurs compagnes – dans la propriété prêtée par un ami commun, isolée en bord de mer. Une inconnue, invitée également, finit par occuper l’essentiel de leurs pensées, les troublant autant par sa beauté que par son indépendance et sortant en ville chaque soir avec un nouvel inconnu. Chacun cherche à la dominer à sa manière, sous un détachement feint, par des jugements prétentieux et définitifs sur la vanité de son attitude...
Critique : Quatrième volet de la série des Contes moraux, La collectionneuse annonce par bien des aspects Le Genou de Claire, parce que la proximité d’un milieu aquatique et la vacance des personnages configurent des corps languides, sur lesquels la caméra de Rohmer s’attarde, dès les premières minutes. Ainsi, la silhouette d’Haydée, marchant au bord de l’eau, est accompagnée par un lent travelling, avant d’être "décomposée" grâce à une série de gros plans qui la construisent comme objet de désir, bien qu’elle soit à mille lieues de capitaliser sur cette naturelle attirance qu’elle suscite. Sa propension à multiplier les conquêtes (un homme par soir) ne lui inspire aucune forfanterie, plutôt un désir de jouir, tandis que, de leur côté, Daniel et Adrien ne cessent de se heurter à d’éternelles apories que semble d’abord démentir leur assurance.
Rohmer, selon son goût habituel, s’amuse à piéger les personnages pris à revers par les situations, sempiternellement démentis dans leurs promesses ou leurs résolutions, au gré des hasards de l’existence : jusque-là, Adrien se satisfaisait d’une forme de solitude rousseauiste, s’abandonnant à l’onde que moire le soleil, vivant parallèlement à l’existence de son ami Daniel. Lorsque la jeune Haydée, tout aussi indépendante que les deux hommes, vient contrarier la vacance sentimentale (Adrien a laissé sa petite amie), la séduction bravache du protagoniste s’active pour faire coïncider des horaires décalés, puisqu’il vit le jour et qu’elle vit la nuit. À partir de là, notre séducteur vibrionne autour d’une femme étonnamment nonchalante, qui laisse traîner ses mots tels son corps dans l’espace. À mesure que l’histoire avance, il fait le constat de son échec, par une voix off constamment reliée aux scènes, syntaxiquement connectée aux romans de mœurs du XVIIIe siècle.
Le dandysme du héros, que prolonge sa volubilité, se heurte à la concision des réponses d’Haydée, en recherche d’amour, comme lui, mais beaucoup plus accordée à la saison estivale, animée par le célèbre adage horacien, cueillant les jours sans les commenter. De son côté, Daniel n’obtient qu’une nuit de sexe, pas davantage. Prenant ombrage de cette indifférence, il tente plusieurs fois de blesser la jeune indolente, lui enjoint des attitudes ou l’insulte de manière gratuite, ce qui confère aux dialogues de brutales variations lexicales auxquelles le cinéma de Rohmer n’est pas habitué, mais qui disent de manière passionnante les résistances outrées d’un ethos machiste. Hermétique au mépris des hommes, peu sensible à leurs rodomontades, Haydée est une figure de l’émancipation qui se confond, d’une certaine manière, avec son époque (les années 1960). Pas plus qu’elle ne se laisse à ses deux colocataires l’esquisse d’une espérance, elle n’offrira son cœur à l’acheteur étranger, collectionneur d’une autre manière, et dont elle casse symboliquement le vase tout juste acquis.
Le film de Rohmer est construit comme une fable édifiante, dans le creux d’un été idoine. Il constitue une des indéniables réussites de son auteur.
– Ours d’argent au Festival de Berlin 1967
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