Le 9 janvier 2021
Une monographie passionnante sur l’un des pères du cinéma ethnographique. Un modèle de travail universitaire.
- Réalisateur : Jean Rouch
- Auteur : Paul Henley
- Editeur : Presses Universitaires de Rennes
- Genre : Cinéma, Monographie
- Traducteur : Joëlle Hauzeur
- Date de sortie : 11 juin 2020
L'a lu
Veut le lire
Résumé : Publiée en anglais en 2009, cette monographie largement revue et augmentée de Paul Henley consacrée à l’oeuvre et à la pratique filmique de Jean Rouch (1917-2004) constitue un ouvrage de référence. Dans cette étude d’ensemble richement documentée, l’auteur traite des années de formation et de maturité du cinéaste et ethnographe, en les situant aussi bien dans l’histoire de l’anthropologie française que dans les débuts du cinéma documentaire du XXe siècle. Ce faisant, il en rappelle les influences majeures, celles dont Jean Rouch lui-même se revendiquait - de la tradition anthropologique de Marcel Mauss, Marcel Griaule et Germaine Dieterlen d’un côté et du surréalisme de l’autre -, tout en mettant particulièrement bien en lumière ce par quoi il s’en est distingué et ce par quoi sa pratique anthropologique et filmique va acquérir sa pleine singularité, jusqu’à devenir, par ses réalisations, une figure de proue du cinéma français des années 1950 et 1960, toujours inspirante de nos jours.
Critique : Le parcours de Jean Rouch, l’un des fondateurs du cinéma ethnographique, est passionnant à bien des égards, à la fois dans sa production abondante, avec des films emblématiques comme Les Maîtres fous, Jaguar, La Chasse au lion à l’arc (Lion d’or au festival de Venise en 1965), ou Moi, un Noir et dans la réflexion fondamentale qu’irrigue un parti pris qui peut être résumé en ces termes : une envie d’en être, un désir du documentariste de ne pas se situer à distance de ce qu’il saisit par la caméra, dans ce qui peut constituer une tendance froidement objective de l’ethnographie.
Mais cette étude universitaire, une véritable monographie, revient plus largement sur l’itinéraire artistique et intellectuel du réalisateur, évoque sa formation anthropologique, cite les influences qui ont forgé son regard, de Marcel Mauss à Marcel Griaule, en passant par les surréalistes, dont Rouch gardera, si ce n’est une trace tout à fait prégnante à travers sa production filmique, du moins la conviction d’une nécessité du hasard. C’est à la faveur d’une de ces contingences que l’ingénieur découvre le Niger, au contact d’ouvriers qu’il dirige. Son itinéraire bifurque alors vers l’ethnographie et ses premiers films s’enchaînent, qui exerceront une influence fondamentale sur les cinéastes de la Nouvelle Vague, avant que Rouch n’expérimente l’ethnofiction à travers un de ses chefs-d’œuvre, Moi, un Noir,
Revenu en France, Rouch signera, en collaboration avec le sociologue et philosophe Edgar Morin, l’un des plus importants documentaires sur la France des années 60, Chronique d’un été, qui, au-delà du simple portrait sociologique, est irrigué par une interrogation constante sur le rapport entre le réel et la fiction, comme le souligne le fameux échange conclusif entre les deux auteurs.
Comment un ingénieur des ponts et chaussées, destiné, selon ses propres mots dans une interview de 1961, à être "un bâtisseur d’empires", renonce-t-il à son destin professionnel, pour se lancer en autodidacte dans le cinéma ethnographique ? Comment le même évolue-t-il à l’intérieur de son art, pour parvenir à produire une ethnofiction aussi extraordinaire que Moi, un Noir, en 1958 ? Pourquoi ne peut-on pas circonscrire l’un des chefs-d’œuvre de Rouch, Les Maîtres fous (1955) à sa dimension anti-colonialiste ? Ces questions trouvent leurs réponses à travers des développements d’une impressionnante densité, nourris par des références multiples.
Dans sa deuxième partie, le livre s’intéresse au regard de Rouch sur la jeunesse française, par l’intermédiaire de plusieurs fictions qui prolongent la fameuse expérience de "cinéma-vérité" menée à travers Chronique d’un été, tout en continuant d’analyser, avec une rigueur implacable, qui n’exclut pas la critique, les longs métrages tournés par l’ethnologue au Niger dans les années 70, avant d’évoquer plus rapidement les dernières années du réalisateur, puisque la perspective de cet impressionnant travail se concentre sur une carrière dans le cinéma ethnographique, qui s’achève une trentaine d’années avant sa mort accidentelle, en 2004 (pendant deux décennies un grand nombre de films seront laissés inachevés, à l’état de rushs).
Cet ouvrage constitue un modèle de travail universitaire sur un cinéaste majeur, qui n’aura cessé d’interroger les rapports entre le septième art et le réel.
512 pages - 30,00 €
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.