Le 3 novembre 2024
Pour sans doute ce qui sera son dernier film, Clint Eastwood revient pour notre plus grand plaisir sur l’une des obsessions majeure de sa filmographie : la critique d’une société américaine qui peine à sortir de ses paradoxes. Un grand film absolument prenant d’un bout à l’autre.
- Réalisateur : Clint Eastwood
- Acteurs : Toni Collette, Kiefer Sutherland, Leslie Bibb, Chris Messina, Nicholas Hoult, J.K. Simmons, Zoey Deutch, Gabriel Basso
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 1h54mn
- Titre original : Juror #2
- Date de sortie : 30 octobre 2024
Résumé : Alors qu’un homme se retrouve juré d’un procès pour meurtre, il découvre qu’il est à l’origine de cet acte criminel. Il se retrouve face à un dilemme moral entre se protéger ou se livrer.
Critique : Le cas Richard Jewell, La mule ou Jugé coupable sont autant d’exemples de la longue filmographie de Clint Eastwood où le réalisateur convoque sur le devant de la scène l’étranglement de son pays, les États-Unis, entre le populisme, les paradoxes de sa Constitution et le dialogue interminable entre légitimité et légalité. Juré n°2 aborde ainsi ces thématiques chères au brillant réalisateur. Il met en scène le juré d’un procès où l’enquête a été bâclée, dont le propre destin aurait pu basculer aux côtés de l’homme qui va être jugé pour meurtre. Deux logiques s’opposent : celle d’une avocate générale qui a besoin de cette affaire pour parvenir à se faire élire comme procureure générale et celle d’un avocat de la défense, convaincu de l’innocence de son client en faveur duquel il fait le minimum requis.
- Nicholas Hoult
- © 2024 Warner Bros. All rights reserved.
Juré n°2 est un grand film parce que, malgré les 94 ans d’Eastwood, le rythme, la suspense et la vitalité du récit demeurent absolument intacts d’un bout à l’autre. Le scénario plonge le spectateur dans ce qui est autant un redoutable thriller qu’un pamphlet sévère contre l’administration judiciaire aux États-Unis. Le héros principal est incarné par un Nicholas Hoult, qui apporte à son personnage une immense fragilité pouvant le faire basculer. L’acteur trouve peut-être là son premier grand rôle au cinéma, grâce à un jeu parfaitement maîtrisé où sa beauté incontestable devient presque un facteur supplémentaire de son effondrement intérieur.
Juré n°2 fait trembler à la veille des élections américaines de 2024 où le populisme pourrait l’emporter sur la rigueur et l’exigence démocratiques. Le récit décline avec force la manière dont ces jurys de citoyens peuvent faire craindre le pire, dès lors qu’il s’agit de juger et de faire condamner même à mort des personnes, leurs opinions semblant primer sur le devoir de neutralité lié à leur fonction. La sélection des jurés laissée à la désinvolture de la défense ou de l’accusation est redoutable, avec sur le prétoire une magistrate professionnelle qui semble à peine concernée par l’affaire.
- Nicholas Hoult
- © 2024 Warner Bros. All rights reserved.
Le spectateur est ainsi happé pendant deux heures par le film, où il entraîné dans les mêmes questionnements que le protagoniste qui pourrait faire condamner un innocent et se sauver lui-même face à ses propres doutes. En même temps, le film propose un vrai récit policier où les preuves sont rares et convoquent l’esprit d’imagination du spectateur. Clint Eastwood prend le risque d’une fiction où les évidences disparaissent au profit de l’incertitude et de l’équivoque.
il est sans doute vain de hiérarchiser ce film dans la longue filmographie de Clint Eastwood. Dans tous les cas, l’artiste de 94 ans termine sa carrière avec une œuvre puissante, d’une grande force, qui concentre à elle toute seule tous les paradoxes américains qui ont nourri la pensée et l’œuvre de ce géant du cinéma.
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ceciloule 11 novembre 2024
Juré n°2 - Clint Eastwood - critique
La performance de Nicholas Hoult apporte en effet énormément à ce film. Après l’avoir vu dans la série The Great, elle n’en est d’ailleurs que plus stupéfiante. Quant à la dichotomie entre légitimité et légalité, elle est effectivement frappante et le réalisateur parvient à vernir ce dilemme d’émotions, soulignant son propos grâce à la sobriété austère des décors et l’apparente simplicité formelle du long-métrage (j’en parle plus longuement ici : https://pamolico.wordpress.com/2024/11/11/jure-n2-clint-eastwood/).