Le 19 octobre 2017
- Acteur : Danielle Darrieux
- Voir le dossier : Nécrologie
- Plus d'informations : La Cinémathèque française
Le septième art est en deuil, et c’est peu dire. Darrieux nous a quittés du sommet de son centenaire. Le mythe intact mérite plus que jamais d’être célébré.
Nous venons d’apprendre le décès de Danielle Darrieux. aVoir-aLire lui rend hommage avec un très bel article publié par Gérard Crespo qui évoquait sans doute la plus grande actrice française de sa génération, pour citer ses mots, à l’occasion de la rétrospective que la Cinémathèque lui avait consacrée. Un article qui célébrait la lumière d’une artiste éblouissante dont le centenaire, cette année, a permis d’asseoir un peu plus la légitimité parmi les plus grandes dames du 7e art.
Danielle Darrieux : un monument - star et actrice
Elle est à la fois la star de l’âge d’or du septième art, une comédienne accomplie qui est passée à travers les modes et une référence aussi bien pour le public populaire que la cinéphilie internationale. La Cinémathèque française lui rend un hommage mérité avec une rétrospective de ses films.
Danielle Darrieux, mémoire du cinéma français, a été l’icône de plusieurs générations de spectateurs. Jeune fille espiègle et romantique des années 30, elle sera l’incarnation du charme et de la féminité française de l’après-guerre aux années 60, avant de devenir une guest-star incontournable des écrans, tout en poursuivant une riche carrière théâtrale. Sa longévité contraste avec la décennie de gloire d’Arletty (1898-1992). Sa discrétion médiatique et mondaine ne fut pas celle de Michèle Morgan (1920-2016), présidente de cérémonies et festivals mais quasiment retirée des écrans depuis 1975. Elle joua longtemps les coquettes et tourna rarement dans œuvres engagées, contrairement à Simone Signoret (1921-1985), au visage vite marqué par le verdict des années et dont l’implication politique était manifeste, au-delà même de ses films. La modernité du jeu de Danielle Darrieux ne l’assimile pas aux divines mais théâtrales créatures que furent Edwige Feuillère (1907-1998), Madeleine Renaud (1900-1994) ou Gaby Morlay (1893-1964). Si l’indiscutable métier de son art lui a fait franchir les trahisons de la mode, contrairement à la vamp Viviane Romance (1912-1991), sa santé et son moral lui ont épargné les destinées tragiques de Mireille Balin (1909-1968), Martine Carol (1920-1967) ou Annie Girardot (1931-2011). Enfin, sa carrière internationale, honorable pour une actrice française, a été plus fructueuse que celle de Micheline Presle et, mieux que Simone Simon (1910-2005), Danielle a vite retrouvé la popularité dès qu’elle retournait dans son pays natal.
Darrieux débute à quatorze ans dans une comédie dans laquelle elle pousse la chansonnette. S’ensuivent une série d’œuvrettes prisées en ce début des années de parlant et qui mettent en lumière son charme mutin, des metteurs en scène comme Billy Wilder ou Robert Siodmak (exilés en France), la dirigeant à merveille. Le personnage se parera de romantisme avec Mayerling d’Anatole Litvak (1936), dans lequel elle donne la réplique à Charles Boyer.
Le triomphe du film lui ouvre les portes de Hollywood où elle tourne une exquise comédie méconnue, La Coqueluche de Paris de Henry Koster (1938). De retour en France, elle retrouve le romanesque dans la première version de Katia, sous la direction de Maurice Tourneur. Mais c’est surtout son époux Henri Decoin qui contribuera à faire d’elle la première star française dans des comédies où Darrieux peaufine son image de jeune fille moderne et espiègle, de Retour à l’aube (1938) à Premier rendez-vous (1941), dans lequel elle fredonne la célèbre « Charade », en passant par Battements de cœur (1940).
Le jeu moderne et enjoué de Danielle, parfois teinté de gravité (Abus de confiance), en fait le digne équivalent français de Katharine Hepburn (qu’elle remplacera au pied levé à Broadway dans Coco, en 1970). L’Occupation l’intronise vedette attitrée de la firme franco-allemande Continental (ce qui lui vaudra peu de problèmes à la Libération) et l’actrice atteint le sommet de sa popularité.
L’après-guerre est un peu le creux de la vague pour Darrieux, en dépit de la jolie réussite d’Au petit bonheur de Marcel L’Herbier (1946), où son jeu est digne des grandes interprètes de la comédie américaine. Après Ruy Blas de Pierre Billon, adapté par Jean Cocteau (1948), elle retrouve le succès avec le brillant vaudeville Occupe-toi d’Amélie de Claude Autant-Lara (1949). Hollywood la sollicite à nouveau pour L’Affaire Cicéron de Joseph L. Mankiewicz (1952) : elle incarne une comtesse polonaise destinée à duper l’espion James Mason.
Mais c’est surtout la rencontre avec Max Ophuls qui va faire d’elle l’une des actrices les plus prestigieuses du cinéma. Dans un sketch de La Ronde, en 1950, elle incarne avec brio une coquette qui trompe son mari ; dans l’épisode « La Maison Tellier » du Plaisir (1952), elle est la prostituée qui apporte un rayon de bonheur dans la journée de Jean Gabin. Dans Madame de..., en 1953, Ophuls lui offre son plus beau rôle, celui de Louise, comtesse frivole qui passe de l’insouciance superficielle au désespoir amoureux : L’actrice atteint le sublime dans ce qui est l’une des plus belles performances du septième art.
Elle retrouve son ex-mari Decoin pour La Vérité sur Bébé Donge (1952), sombre et magistrale adaptation de Simenon, dans laquelle elle joue une meurtrière froide et calculatrice. Parallèlement, elle poursuit sa carrière internationale et incarne la mère de Richard Burton (de huit ans son cadet !) dans Alexandre le Grand de Robert Rossen (1956). Darrieux est à l’apogée de sa carrière et a modelé son image de cinéma, celle d’une femme élégante et gracieuse, grave dans ses instants de bonheur et un brin ironiquement drôle dans ses moments tragiques. De cette brillante décennie des années 50, il faudra aussi retenir sa composition de Madame de Rénal dans Le Rouge et le noir de Claude Autant-Lara (1954), et son rôle de résistante dans Marie-Octobre de Julien Duvivier, en 1959.
Les années 60 sont celles de la quarantaine et la comédienne trouvera de jolis succès au théâtre, où elle incarnera, jusqu’en 2003, des œuvres de Musset, Sagan, Feydeau, Colette ou Eric-Emmanuel Schmitt. La Nouvelle Vague ne la néglige pas : Claude Chabrol dans Landru (1963) ou Dominique Delouche dans 24 heures de la vie d’une femme (1968) lui donnent de beaux rôles de maturité, et l’actrice jouera à merveille les guest-stars dans Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967) ou Le Cavaleur de Philippe de Broca (1979). Dans le premier film, elle est la mère des jumelles Deneuve-Dorléac et la seule à chanter sans doublage. C’est d’ailleurs le même cinéaste qui sera à l’origine de son come-back dans le film culte Une chambre en ville, en 1982 : elle est à nouveau divine dans le rôle de la colonelle solitaire qui sous-loue une pièce à l’ouvrier Richard Berry.
L’année suivante, Paul Vecchiali, son admirateur de toujours, lui offre un bel écrin avec le touchant et nostalgique En haut des marches, où elle se surpasse dans un crescendo émouvant.
Depuis, on retiendra ses compositions exquises dans des films où elle se meut avec aisance dans l’univers de nouveaux cinéastes : on a en mémoire la mère effacée et écorchée de Catherine Deneuve dans Le Lieu du crime d’André Téchiné (1986), la retraitée menant l’enquête dans Corps et biens de Benoit Jacquot (la même année), la mère calculatrice de Daniel Auteuil dans Quelques jours avec moi de Claude Sautet (1988), la sœur de Micheline Presle et Paulette Dubost dans Le Jour des rois de Marie-Claude Treilhou (1991), la malicieuse Eva dans Ça ira mieux demain de Jeanne Labrune (2000), l’aïeule déjantée de 8 femmes de François Ozon (2002), la mère sereine de Nathalie Baye dans Une vie à t’attendre de Thierry Klifa (2003), l’ancienne actrice de Nouvelle chance d’Anne Fontaine (2006), la douairière assassinée dans L’Heure zéro de Pascal Thomas, d’après Agatha Christie (2007) ou encore la voix de la grand-mère dans le film d’animation Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud.
Danielle Darrieux a obtenu un César d’honneur, trois Victoires de la meilleure actrice du cinéma français, un Molière d’honneur, un 7 d’or, un prix collectif au festival de Berlin, un Globe de Cristal d’honneur et le Molière de la comédienne en 2003 pour Oscar et la dame rose. La Cinémathèque française propose une rétrospective de ses films du 7 janvier au 2 mars 2009.
Découvrez aussi la biographie de Danielle Darrieux
Le centenaire magnifique de Danielle Darrieux
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.