La vengeance d’une femme
Le 24 octobre 2023
Danielle Darrieux atteint le sublime dans ce film hommage de Paul Vecchiali, artiste aux confins d’un cinéma nostalgique et d’une démarche expérimentale.
- Réalisateur : Paul Vecchiali
- Acteurs : Danielle Darrieux, Micheline Presle, Françoise Lebrun, Hélène Surgère, Sonia Saviange, Michel Delahaye, Gisèle Pascal, Béatrice Bruno, Gilberte Rivet, Christine Laurent
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Shellac, Utopia
- Editeur vidéo : Shellac
- Durée : 1h32mn
- Reprise: 22 novembre 2023
- Date de sortie : 12 octobre 1983
- Festival : Festival de Cannes 1983
L'a vu
Veut le voir
– Reprise en version restaurée : 22 novembre 2023
Résumé : 1963. Françoise Canavaggia est de retour à Toulon, après bien des années d’exil en Corse. Veuve d’un ancien pétainiste, elle revient pour se venger de ceux qui ont dénoncé son époux. Au hasard de ses déambulations, elle se remémore le passé : 1931 avec l’arrivée du couple à Toulon, la guerre, la Libération. Au gré des rencontres, des souvenirs, des fantasmes, ce sont 50 ans d’histoire qui ressurgissent.
Critique : En haut des marches est né d’un double projet de Paul Vecchiali : raconter la vie de sa mère (décédée peu avant la fin du tournage), et rendre hommage à Danielle Darrieux, son idole, qu’il admirait depuis l’enfance. Ce double rapport affectif est donc le point de départ du film, produit par sa propre société Diagonale Diffusion, avec l’aide de l’Avance sur Recettes. En haut des marches est un beau film, émouvant et complexe, sentimental et cérébral, romanesque et déstructuré. Le récit est balisé en trois niveaux narratifs. Le présent voit le retour de Françoise à Toulon, déambulant dans la ville et rencontrant, au gré de ses déplacements, un ancien collabo esseulé (Michel Delahaye), sa sœur bien-aimée (Hélène Surgère, actrice fétiche du cinéaste), une parente retrouvée (Gisèle Pascal), une ex-domestique dévouée (Sonia Saviange, sœur du cinéate), à moins que cette dernière ne soit une hallucination, tout comme le fantôme de sa mère, spectre fantasmatique. Le passé est évoqué à travers les échanges des personnages et de brefs retours en arrière (l’assassinat de Charles).
- Danielle Darrieux dans "En haut des marches"
- © 1983 Diagonale Diffusion / 2023 Shellac Distribution. Tous droits réservés.
Mais Françoise se projette aussi dans le futur, à l’occasion d’un procès imaginaire dans lequel elle doit se justifier devant un commissaire accusateur (Nicolas Silberg) et sa propre filleule (Françoise Lebrun), qui accepte d’assurer sa défense. D’autres séquences sont mêlées à cette spirale temporelle, telle cette exposition où des snobs ironisent sur des peintures académiques, avant de se faire rabrouer par la propriétaire de la galerie (Micheline Presle). Le montage subtil rappelle celui expérimenté par Alain Resnais dans Muriel ou Le temps d’un retour et pourra déconcerter au premier abord, tant on a du mal à voir où Vecchiali veut nous mener. Sentiment qui s’amenuise au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire. Film de famille(s), En haut des marches a aussi un discours politique et historique annexe, condamnant les étiquetages manichéens et l’arbitraire des épurations. Loin d’être « une réhabilitation de la collaboration », comme l’avait écrit Claude-Marie Trémois dans Télérama, l’œuvre veut plutôt replacer les motivations humaines dans leur contexte historique, le personnage de Michèle, ex-maoïste, venant rappeler les errements de certains combats liés à l’air du temps.
S’il est discutable, le propos de Vecchiali n’est pas non plus l’axe central de cette œuvre délicate sur l’amour et les ressentiments. C’est un film en référence à tout un pan du cinéma français des années 30, celui des Grémillon ou Decoin, quand Darrieux fredonnait d’aimables mélodies. On l’entend d’ailleurs interpréter deux chansons, dont l’émouvant En haut des marches écrit et composé par Roland Vincent.
- Danielle Darrieux et Michel Delahaye dans "En haut des marches"
- © 1983 Diagonale Diffusion / 2023 Shellac Distribution. Tous droits réservés.
Cette culture populaire est combinée à une référence à l’art classique (la musique de Bach sur la rade de Toulon), et par tout un jeu de dispositifs ancré dans le cinéma d’auteur des années 70, dont La maman et la putain (le long plan-séquence dans le parloir de prison). Sans doute est-ce cette synthèse du mélodrame et du film expérimental qui a fait que le film n’a pas trouvé son public, en dépit de fulgurantes beautés esthétiques (le visage de Darrieux en surimpression de la ville). L’actrice, qui a des boucles d’oreilles semblables à celles de Madame de..., porte le film de bout en bout, sa grâce et sa gravité culminant dans un crescendo final déchirant. Si Les Cahiers du Cinéma reprochèrent au film son passéisme et son attachement au « vieux cinéma français » (Charles Tesson), En haut des marches, présenté dans la section Perspectives du cinéma français du Festival de Cannes, fut ardemment défendu par Cinéma 83 ou la revue Cinématographe, par la plume de Jacques Fieschi. On peut le redécouvrir en DVD, dans un coffret des éditions Antiprod comportant deux autres films emblématiques de ce cinéaste en marge : Corps à cœur (1978) et Rosa la rose, fille publique (1986).
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.