Reprendre le fil
Le 19 janvier 2023
Un Vecchiali malicieusement grave et drôle qui fait défiler les belles et auquel un réjouissant duo-duel père-fils confère une vivacité étonnante.
- Réalisateur : Paul Vecchiali
- Acteurs : Marianne Basler, Catherine Deneuve, Mathieu Amalric, Édith Scob, Paul Vecchiali, Françoise Lebrun, Pascal Cervo, Annie Cordy, Françoise Arnoul, Noël Simsolo, Julien Lucq, Raphaël Neal
- Genre : Comédie, Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Shellac
- Durée : 1h56mn
- Date de sortie : 5 octobre 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016
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Résumé : Un père et son fils vivent des moments conflictuels parce qu’ils sont l’un et l’autre trop émotifs. Le fils, Laurent, cherche sa voie, ayant vécu son enfance et son adolescence dans la paresse. Il comprendra trop tard l’affection qui le liait à son père. Ce dernier, Rodolphe, autour duquel gravitent les femmes de sa vie, n’a qu’une obsession : retrouver son grand amour de jeunesse, Marguerite.
Critique : Un amour d’adolescence retrouvés soixante-dix ans après grâce à Facebook et dont on se rend compte rétrospectivement qu’il a été comme un fil rouge sous-jacent reliant toutes les rencontres et expériences ultérieures : c’est l’anecdote vécue qui a inspiré à Veccchiali ce Cancre aux allures de bilan d’une vie dont il tient néanmoins à préciser qu’il n’a rien d’autobiographique, même s’il a choisi d’interpréter lui-même le rôle principal (ou plutôt un des deux rôles principaux) : celui d’un vieil homme sentant la mort approcher et amené, au fil des ans, à faire une espèce de bilan de son existence. Un bilan aux allures de passage en revue dont il serait cependant vain, pourrait suggérer le titre, de chercher à tirer le moindre enseignement.
- Edith Scob et Paul Vecchiali dans Le cancre © Shellac Sud & Dialectik
S’apercevant après-coup d’une parenté avec Carnet de bal de Duvivier, le cinéaste a rajouté un sous-titre, Carnet de belles, qui souligne le côté défilé que laisse présager la lecture du casting impressionnant déroulé par le générique, le passé refaisant surface le plus souvent sous les traits de personnages féminins interprétés par autant d’actrices liées à l’histoire du cinéma de Vecchiali lui-même (Françoise Lebrun, Marianne Basler) ou du cinéma tout court, comme Françoise Arnoul (Mimi, qui jadis aimait danser le cancan). Danielle Darrieux ne pouvait, bien sûr, manquer à l’appel, même si on voit seulement son nom sur une plaquette et sa photo accrochée au mur (et reflétée dans la glace).
Ce défilé est l’occasion d’une suite de numéros, de saynètes drôles (mention spéciale pour Françoise Lebrun et Édith Scob) ou mélancoliques (de préférence les deux à la fois) débouchant sur l’apparition sans cesse repoussée (et peut-être rêvée in extremis) de cette Marguerite dont on n’a cessé de parler et à laquelle Catherine Deneuve prête une beauté fatiguée, devenue presque ordinaire et d’autant plus émouvante.
- Catherine Deneuve et Pascal Cervo - Le cancre © Shellac Sud & Dialectik
Si dans cette confrontation (pas tout à fait) finale les deux personnages ne partagent pas l’espace du plan (c’est ce qui laisse planer un doute sur la réalité de la rencontre, d’autant plus que dans l’échange qui suit entre le fils et la tante la présence du père n’est pas directement évoquée), la plupart des autres scènes sont tournées en une prise, les acteurs exécutant en virtuoses et sans le filet du montage des partitions semées d’embûches : textes savoureusement écrits, comme toujours chez Vecchiali, mais aussi déplacements et changements de position (assis, debout, couché...).
Le parti pris de frontalité assume le risque d’un effet sitcom et Vecchiali n’a pas peur de laisser pointer par moments un sentiment de flottement, de baisse de tension, de gêne, préférant une fois de plus l’inconfort du spectateur au fini artificiel, au lissé de routine.
Ce (léger) sentiment de gêne est constitutif de la démarche d’un film qui contrarie l’émotion par la vacherie, l’humour à froid, et surprend sans cesse par la façon typiquement vecchialienne de retourner une scène in extremis, mais aussi par la manière de faire intervenir la musique en faisant chanter les acteurs en karaoké ou en filmant un visage en plan fixe pendant tout le temps que se déroule, en off, une chanson ; ou encore par ses bifurcation permanentes et l’insertion de scènes de rêves déconcertantes (avec apparition d’un fantôme déguisé en ours blanc) et farcesques (Julien Lucq dédoublé en duo d’huissiers, style Dupont et Dupond), et, plus généralement, par la propension au grotesque (notamment dans les scènes avec Amalric ou Simsolo).
- Pascal Cervo - Le cancre © Shellac Sud & Dialectik
Plus encore qu’aux étapes d’un cheminement vers la résurgence impossible d’un amour perdu, le film s’attache à la relation complexe, conflictuelle et complice à la fois, entre un père un son fils.
Pascal Cervo, poursuivant sa fructueuse collaboration avec le cinéaste (après Nuits blanches sur la jetée et C’est l’amour), confère à ce personnage du fils une épaisseur étonnante en évitant toute psychologie. Son étonnant duo-duel avec Vecchiali acteur donne une formidable énergie à ce film drôle et malicieusement grave qui parle de la mort sans jamais céder à l’apitoiement mais qui débouche pourtant sur une forme d’apaisement.
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