Ce fauteuil vous va si bien
Le 23 octobre 2023
Coproduit par Jean-François Davy, le porno-polar-politique de Vecchiali est un ovni cinématographique, un étrange numéro de cirque, référentiel, incongru, drôle et tendu à la fois, mais ignorant joyeusement la demi-mesure.
- Réalisateur : Paul Vecchiali
- Acteurs : Howard Vernon, Nanette Corey, Jean-Christophe Bouvet, Dominique Erlanger, Hélène Surgère, Mona Heftre, Sonia Saviange, Marcel Gassouk, Liza Braconnier , Michel Delahaye, Myriam Mézières, Noël Simsolo, Francoise Giret, Jean Droze, Andrew Moore, Benoît Archenoul
- Genre : Comédie dramatique, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Érotique
- Distributeur : Shellac, Les Films Jacques Leitienne
- Durée : 1h26mn
- Reprise: 22 novembre 2023
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 16 juin 1975
- Festival : Festival Chéries-chéris 2023
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– Reprise en version restaurée : 22 novembre 2023
Résumé : Une femme politique en vue reçoit un film pornographique dans lequel figure son fils. Pour découvrir l’identité de ses maîtres-chanteurs, elle engage une détective privée.
Critique : Sorti peu de temps avant l’instauration du classement X (décret du 30/10/1975, puis loi du 30 /12/1975), le porno-polar-politique de Paul Vecchiali, coproduit par Jean-François Davy, a sans doute quelque peu dérouté les amateurs de Femmes, femmes, dont il reprend pourtant la plupart des interprètes, par le caractère explicitement pornographique, non simulé, des scènes de films dans le film auxquelles participaient les acteurs d’Exhibition, sorti quelques jours après, le 25 juin 1975, mais tourné simultanément.
Change pas de main est pourtant du Vecchiali pur jus par ce refus de la demi-mesure, cette manière frontale d’aborder le sexe et de juxtaposer les genres (film noir, mélodrame, comédie musicale) sans se préoccuper de trouver des alibis ou d’enrober les choses pour mieux les faire mieux passer.
- Change pas de main
- © 2023 Shellac. Tous droits réservés.
Cette crudité, proche de celle de Fassbinder mais en plus joyeux, s’accompagne, comme toujours, d’un goût prononcé du retournement, de ce qu’il considérait lui-même : renverser le cliché par le drame.
En effet, on navigue en plein roman de gare avec cette intrigue alambiquée qui entremêle, autour d’une boîte de nuit au nom emprunté à Sternberg (le Shanghai Lily), machinations politiques aux enjeux obscurs et vengeances privées longuement ourdies et finalement dérisoires.
Le film avance en terrain fortement référentiel et multiplie clins d’œil et citations mais sans tomber dans la parodie auto-complaisante, introduisant l’incongru dans les situations convenues en les traitant au pied de la lettre et jetant un regard implacablement réaliste sur ce monde totalement factice.
Les dialogues, écrits avec Noël Simsolo, sont brillants, savoureux, et s’inscrivent dans une tradition du cinéma français que Vecchiali affectionne. Mais c’est le sérieux imperturbable, antipsychologique, des acteurs, la manière dont ils assument la caricature pour mieux la désamorcer (Delahaye, avec sa diction incroyable), qui donne toute leur force dérangeante aux jeux de mots désarmants (Change pas demain, ou le biettien* Elle m’aime ! - Elle même ! de Des Grieux/Howard Vernon), aux échanges d’amabilités crispées (Que vous êtes amusante ; arriviste ! ; N’essayez pas de baiser les mains des dames ; ou encore Ce fauteuil vous va si bien), aux phrases comiquement déplacées ou malvenues (Tous ces morts ! Je m’en vais), aux tirades excessivement pathétiques (Mado au colonel : Ce n’est pas par amour. Ce n’est plus par amour) ou définitives (À partir de maintenant je n’aide plus personne. Je démasque ; la mère devant le cadavre de son fils : Il m’aura emmerdé toute sa vie ce petit con) ou aux coups de théâtre grand-guignolesques (le colonel : Marguerite ! Bon Dieu ! Où est-elle ?, juste avant qu’elle ne lui tire dessus - car évidemment elle était déjà là, derrière la fenêtre).
- Change pas de main
- © 2023 Shellac. Tous droits réservés.
L’humour, on le voit, est au rendez-vous, et la mise en scène de Vecchiali donne à l’ensemble le côté délibérément ludique d’une suite de numéros de cirque (Tout le monde en place !) : accompagnement de tango pendant les scènes les plus éprouvantes ; morts qu’on laisse traîner dans les coins de la boîte de nuit (Je vous avais dit de nettoyer !) ; Ida-Marguerite (Saviange) lançant des fléchettes sur la photo du colonel ; les deux superbes chansons de Mona Mour/Heftre ; Myriam Mézières en détective privée lesbienne en imper et chapeau à la Bogart, Ferdinand/Simsolo en homme-objet maquillé comme une poupée, Bouvet en terrifiant et pathétique serial-killer travesti.
Mais l’allégresse est toujours sous tension, inconfortable, minée par l’émotion furtive (la mort du mime Victor/Marcel Gassouk et le bref hommage que lui rend son ami dans le taxi), l’amertume (Melinda/Mézières crachant contre son reflet dans une vitrine, dans la rue au petit matin), l’effroi même, comme lorsque la caméra s’écarte de la scène du meurtre et traverse la penderie pour découvrir la chambre secrète d’où Ida, l’air impénétrable, écoute les horribles couinements de l’assassin avant d’aller mettre un disque pour les couvrir.
Bref : on s’amuse beaucoup mais on ne sort pas tout à fait indemne de cette drôle de descente aux enfers.
*Biette était assistant réalisateur du film
– Image : Georges Strouvé
– Décors : Jean-Paul Savignac
– Musique : Roland Vincent
– Production : Jean-François Davy - Contrechamp et Unité Trois
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