La villa des mystères
Le 11 novembre 2010
Quatrième volet d’une pentalogie varoise, ce nouvel opus de Paul Vecchiali, le plus jeune de nos cinéastes, est placé sous le signe de Pagnol.
- Réalisateur : Paul Vecchiali
- Acteurs : Paul Vecchiali, Hélène Surgère, Serge Feuillard, Roland Munter, Geneviève Montaigu, Julien Lucq
- Genre : Comédie dramatique
- Durée : 1h43mn
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Quatrième volet d’une pentalogie varoise, ce nouvel opus de Paul Vecchiali, le plus jeune de nos cinéastes, est placé sous le signe de Pagnol.
L’argument : Depuis son installation à Plan de la Tour, en Provence, il y a quelques années, Paul Vecchiali tourne une série de films qui ont pour cadre une maison, la villa Mayerling. Celle-ci devient un véritable personnage. Ésotérisme et intrigues baignent le film autour du personnage d’Alain, un saisonnier légèrement ombrageux.
Notre avis : Paul Vecchiali est depuis Les petits drames, tourné en 1960 avec Michel Piccoli et Nicole Courcel, mais inédit car détruit par un incendie avant le tirage des copies d’exploitation (des extraits subsistent à l’INA grâce à un reportage de l’époque), un franc-tireur incontournable du paysage cinématographique français.
C’est un contemporain de la nouvelle vague (il est né en 1930) mais son oeuvre revendique l’héritage du cinéma des années trente, auquel il a consacré un dictionnaire en deux volumes que publient les éditions de l’oeil L’Encinéclopédie : Cinéastes français (et leur oeuvre) des années 1930. Vouant une admiration éperdue à Jean Grémillon, Max Ophuls et Robert Bresson (ses Phares avec Mizoguchi , Demy, Duvivier ...etc.) , il parsème ses films de photos de Danielle Darrieux et y intègre volontiers des chansons ( C’est la vie, 1980).
S’il a toujours travaillé en marge de l’industrie mainstream, il sut pourtant, dans les années 70 et 80, mettre en place son propre système parallèle, à l’instar d’un Fassbinder en Allemagne, et produisit au sein de sa société, Diagonale, nombre d’oeuvres précieuses, les plus belles, à notre sens, de cette époque foisonnante : Le théâtre des matières de Jean-Claude Biette (1977) , Les belles manières de Jean-Claude Guiguet (1978), mais aussi les films de Jacques Davila, Marie-Claude Treilhou ou Gérard Frot-Coutaz, sans oublier ceux qu’il réalisa lui-même : Femmes, femmes (1974), qui enthousiasma Pasolini, Corps à coeur (1978), En haut des marches (1983 - avec Darrieux), et bien d’autres.
Serge Bozon ne pouvait évidemment pas manquer d’inviter Paul Vecchiali au Centre Pompidou dans le cadre de Beaubourg, la dernière Major. Après une promenade en sa compagnie à travers l’oeuvre de Grémillon, le samedi 6 novembre, c’était l’heure, mercredi 10, de découvrir le dernier film du cinéaste : Les gens d’en bas.
Tourné dans le Var durant l’été 2009 et dédié à Marcel Pagnol, un autre franc-tireur incontournable dont Vecchiali venait de monter sur scène une adaptation théâtrale de La fille du puisatier, ce film est le quatrième volet d’une pentalogie commencée avec Humeurs et rumeurs et dont le dernier, Retour à Mayerling, est encore en projet. Le personnage central de la série est une maison : la villa Mayerling, située à Plan sur la Tour, non loin de Saint-Tropez.
Chacun des cinq films a son caractère propre et peut être vu séparément. Les allusions, au détour d’un dialogue, à des événements survenus dans un des autres volets créent ce que Vecchiali appelle lui-même des trous d’airs. Ils contribuent à installer un climat légèrement ésotérique et mystérieux. Car si les ressorts dramatiques sont bien marqués et les dialogues souvent très explicites (la mariée tombe amoureuse d’un autre homme le jour de ses noces et déclare sans plus de manières : Je me suis trompée), bien des choses restent dans l’ombre sous le soleil aveuglant de l’été provençal, à commencer par le rôle plus qu’ambigu que joue le personnage malicieusement incarné par le cinéaste lui-même, vieux monsieur affable et manipulateur dont on se rend compte peu à peu qu’il tire tous les fils de l’intrigue.
Le langage filmique de Vecchiali, qui depuis son retour au cinéma avec A vot’ bon cœur en 2003, travaille vraiment avec des bouts de ficelles, est d’une audace tranquille et d’une franchise réjouissante. Convaincu que l’hétérogénéité est toujours stimulante et productive, il ne craint pas le mélange des genres (mélodrame, film noir, comédie musicale), ni la confrontation d’acteurs, professionnels ou amateurs, qui ont chacun leur manière bien à eux de jouer la comédie.
Tous sont étonnants et parviennent à faire exister une figure singulière au caractère affirmé. Les monologues de Serge Feuillard en Lester Hayes, vieil américain atteint d’alzheimer, sont particulièrement irrésistibles. Mais la prestation du débutant Julien Lucq en mari cocu devenant tueur à gage, ou l’arrivée inattendue, à un quart d’heure de la fin, de la grande Hélène Surgère, familière de l’univers du cinéaste depuis Les ruses du diable (1965), ne sont pas moins savoureuses.
N’ayant plus rien à prouver, Vecchiali choisit toujours la solution de mise en scène la plus franche et la plus radicale. C’est parfois abrupt (les scènes d’exposition, enchaînement de blocs autonomes que le montage ne cherche pas à lier) mais toujours vivifiant.
Souvent très drôle (les cueilleuses de raisin qui chantent horriblement faux le choeur des magnanarelles de la Mireille de Gounod), intrigant, émouvant, habité d’une poésie simple et totalement dénuée d’emphase (la lune, soudain, ou le chant assourdissant des cigales), Les gens d’en bas permettent de se délecter d’un art qui ne s’encombre pas de fioritures.
A Quatre vingts ans, Paul Vecchiali est indiscutablement un des plus passionnants parmi les jeunes cinéastes français. Il n’a pas fini de nous surprendre.
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