La campagne de Cicéron

Une comédie-drame en état de grâce dans un paysage méditerranéen.

L’argument : Christian est comédien. Au chômage après avoir été renvoyé de la pièce qu’il répétait à Paris et en froid avec sa compagne Françoise, il se réfugie dans les Corbières, chez son amie Nathalie, une jeune musicienne amoureuse d’Hippolyte, haut fonctionnaire au Ministère de la Culture. Les amitiés tremblent, les alliances se font, se défont, changent...

Notre avis : Tourné en juillet 1988 et sorti en 1990 La campagne de Cicéron est le dernier des films de Jacques Davila (trois longs plus un court), un cinéaste de la famille des Biette, Vecchiali, Frot-Coutaz... qui ont marqué le cinéma français des années 70 et 80.
Le documentaire qui accompagne cette édition DVD inespérée s’intitule Un vaudeville qui finit mal. En effet, le théâtre est là avec ses chassé-croisés renoiriens. Tout à la fois farce - chutes innombrables -, comédie musicale, tragédie... Les dialogues jouent un rôle prépondérant. Leur richesse et leur liberté de ton sont étonnants : on passe de longues tirades solidement charpentées à des aphorismes déroutants, des formules précieuses, des échanges crus, et on s’aventure même dans le domaine de la scatologie sans plus de manières. Les ruptures de ton sont constantes, inattendues mais toujours justes, portées par des comédiens en état de grâce qui rendent à la fois drôles et émouvants leurs personnages en mal d’amour. Nathalie (Tonie Marshall), musicienne et hystérique, est particulièrement irrésistible dans une composition clownesque de haut vol, mais il y a aussi Hermance (Judith Magre), drôle et terrifiante, Pierre-Henry (avec un y), pince-sans-rire, Hippolyte (Jacques Bonnaffé) pantin grotesque et pathétique, Françoise (Sabine Haudepin), sautillante et chantante, ... et Christian (Michel Gautier) personnage en creux qui sert de révélateur aux autres mais finit par se retrouver en plein centre du jeu et seule véritable victime.
La « campagne » du titre est une ancienne ferme dans Les Corbières. C’est dans ce paysage superbe que se déroule la quasi totalité du film ; la nature y occupe une place centrale. Il y a notamment un bestiaire des plus riches : grand-duc, choucas, araignée, la chienne Martine... mais aussi, dans les dialogues, rhinocéros, vipères...etc. L’étrange n’est d’ailleurs pas loin. Il y a un noyé - qui n’en est pas un - , quelques notes de clarinette inquiétantes...
C’est aussi un film très atmosphérique : soleil brûlant de l’été méditerranéen, orage... Il y a la lune pleine, au ciel et en reflet dans l’eau, la pendule de l’église qui sonne neuf coups, interrompant une conversation téléphonique, le haut-parleur qui diffuse des messages publicitaires et de la musique d’ambiance... Tout un univers placé sous le double signe de la sensualité et de l’intelligence.
Cette œuvre inclassable, à la fois légère et parcourue d’une gravité et d’une violence sous-jacente, est un bonheur précieux pour le spectateur. On attend impatiemment les éventuelles sorties DVD des autres films de Davila : Qui trop embrasse et Certaines nouvelles.

Le DVD

Les suppléments

Deux documentaires passionnants : un retour sur les lieux du tournage avec la plupart des protagonistes, dont Bonaffé lisant le texte enthousiaste de Rohmer publié en 1990, au moment de la sortie en salle, et un autre sur la restauration qui expose de manière très pédagogique les problèmes juridiques qui ont manqué de faire disparaître un film qui a à peine vingt ans.

Image

La qualité de l’image est remarquable et rend pleinement justice au travail de restauration réalisé par l’Imagine Ritrovata de Bologne. Les couleurs sont splendides.

Son

Le son est net. Toute la palette (bruits, musiques... ) est très bien restituée. Par moment, il faut un petit peu monter le volume pour bien apprécier la richesse des dialogues.