Les hésitations de Vanessa
Le 6 janvier 2012
Théâtralité subtile et musicalité infaillible. Le dernier film du magicien Jean-Claude Biette, le plus précieux et le plus discret des cinéastes français.
- Réalisateur : Jean-Claude Biette
- Acteurs : Jean-Marc Barr, Jeanne Balibar, Jean-Christophe Bouvet
- Genre : Comédie
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 10 septembre 2003
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– Durée : 1h32mn
Théâtralité subtile et musicalité infaillible. Le dernier film du magicien Jean-Claude Biette, le plus précieux et le plus discret des cinéastes français.
L’argument :Les Saltim sont deux frères : le cadet, Frédéric, a repris la direction de la banque familiale ; l’aîné, Bruno, n’y est que cadre. Mais c’est un choix : il est propriétaire d’un théâtre qui bénéficie du large soutien de la Saltim Bank. Actuellement, deux pièces sont en préparation : "Oncle Vania" est sur les rails, les comédiens en sont aux répétitions, et même si les relations du metteur en scène avec ses acteurs sont parfois un peu tendues, la pièce va se jouer. Il n’en est pas exactement de même pour le deuxième spectacle, "Esther". La comédienne qui devait interpréter le rôle-titre fait défaut, et la distribution est loin d’être satisfaisante. Bruno a alors une idée : il pourrait faire appel à Vanessa, sa nièce, qui a été actrice, mais a choisi de ne plus jouer depuis quelques années. Ces temps-ci, elle fait la lecture à Mme Saltim mère. L’amie de Bruno, Margot, se présente également au metteur en scène. L’affaire est difficile à décider, même si Margot a rencontré le régisseur, Kalender. De passage en Allemagne où elle livre les costumes pour une pièce, Vanessa retrouve une vieille connaissance et fait la rencontre d’un directeur de théâtre local. Pourtant, Margot ne jouera pas : Frédéric a décidé de couper les vivres au théâtre. Bruno annule toutes les productions et, en guise de chant du cygne du théâtre, y fait venir deux clowns.
Notre avis : Jean-Claude Biette est mort le 10 juin 2003, à 60 ans. Saltimbank qui venait d’être présenté à Cannes, est donc le dernier de ses sept long-métrages. On y retrouve, dès le titre à la déroutante évidence, le côté martien et la magie propre à ce cinéaste discret et méthodique (il tournait ses plans d’après un storyboard) qui sut enchanter les happy few, fidèles dès Le théâtre des matières en 1977.
Ce premier film déjà, tout comme Le champignon des Carpathes en 1988, nous entrainait dans le monde des petites productions théâtrales fauchées, que l’on retrouve ici, et dans les réseaux subtils et complexes qui relient la vie du théâtre au théâtre de la vie.
Les dialogues finement écrits allient un humour subtil et inimitable (autrement dit Biettien) à un véritable sens du romanesque, mais se gardent bien de tout effet de manche. Le jeu des acteurs (certains empruntés à d’autres cinéastes comme Michèle Moretti ou Hanns Zischler mais parfaitement intégrés à la troupe du cinéaste) est à la fois millimétré et totalement libre. Biette leur demande d’en faire juste un peu moins que trop. Il sont le matériau à partir duquel le cinéaste-artisan compose une partition à la fois limpide et raffinée qui trahit le fin connaisseur en matière de musique. Et sans doute faut-il une oreille musicale, en tous cas attentive, pour sentir vibrer toutes les cordes que le film sait faire résonner de concert.
Les 92 minutes de Saltimbank semblent n’être que la partie visible d’un ensemble plus vaste, celui constitué par les développements possibles et aussi par les autres opus biettiens, réalisés ou non. Les multiples personnages, à l’apparition parfois fugace, ont une histoire qui n’est souvent qu’esquissée et que le film aurait pu développer, s’il avait choisi de le faire. Ces histoires font partie du film, elles existent à l’écran parce que le regard de Biette a su capter ce quelque chose qui fait que l’acteur et son personnage nous intriguent et retiennent notre attention.
C’est néanmoins l’étonnante famille Saltim qui occupe le devant de la scène : l’irrésistible Bouvet (Bruno), jamais aussi drôle et déroutant que dans ses quatre rôles chez Biette ; Jean-Marc Barr (Frédéric), inattendu et délicieusement décalé, et l’exquise Micheline Presle (Mme Saltim mère) entourent Jeanne Balibar (Vanessa) dont nous suivons les allées et venues entre Paris et Berlin, entre l’envie de théâtre et le refus du théâtre. Elle avait déjà illuminé Trois ponts sur la rivière en 1998. Ici tout s’organise merveilleusement autour d’elle : tous les trafics, toutes les arabesques de ce numéro de funambulisme rêveur, qui fait résonner une dernière fois la musique gaie et secrètement mélancolique du magicien Jean-Claude Biette.
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