Profession (de foi) : amateur
Le 25 juin 2013
Pierre Léon dresse un portrait chaleureux du cinéaste Jean-Claude Biette dans cet admirable documentaire qui est aussi un manifeste pour un cinéma qui refuse l’intimidation.
- Réalisateurs : Pierre Léon - Jean-Claude Biette
- Acteurs : Paul Vecchiali, Françoise Lebrun, Jean-Christophe Bouvet, Jean-Claude Biette, Adolfo Arrieta
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Durée : 2H00mn
- Date de sortie : 26 juin 2013
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Pierre Léon dresse un portrait chaleureux du cinéaste Jean-Claude Biette dans cet admirable documentaire qui est aussi un manifeste pour un cinéma qui refuse l’intimidation.
L’argument : Un portrait du cinéaste Jean-Claude Biette (1942-2003) à base de témoignages, documents et extraits de films.
Notre avis : Depuis une vingtaine d’années Pierre Léon réalise, en marge de l’industrie, des films qui revendiquent leur caractère artisanal et redécouvrent sans cesse la magie première du cinéma (Octobre, L’idiot).
Cette pratique se fonde, non certes sur une théorie, mais sur ce qu’on pourrait appeler une morale : défense et illustration d’un art à la fois ludique et grave, refusant d’afficher une quelconque maîtrise et se voulant outil de révélation du monde.
Elle se fonde aussi sur la réflexion critique (notamment au sein de la revue Trafic et la fréquentation assidue de l’oeuvre de cinéastes qui sont vus moins comme des maîtres que comme des compagnons de route, même s’ils sont morts depuis longtemps.
Cette vision non patrimoniale de l’histoire du cinéma n’est qu’un des multiples points de rencontre avec Jean-Claude Biette, son aîné et, pourrait-on dire, son modèle, si le terme ne suggérait une relation maître - élève hors de propos.
Rien de moins intimidant en effet que l’oeuvre de Biette qui, malgré son côté indéniablement travaillé, et même méticuleux (écriture précise des dialogues, infaillibilité du cadrage souvent basé sur des storyboards, sens musical du timing), intègre toujours les accidents de tournage et garde un côté amateur au meilleur sens du mot (car notre vie est bien trop courte pour que nous soyons jamais autre chose que des amateurs, comme dit le metteur en scène Jeremy Fairfax, alias Howard Vernon, dans Le champignon des Carpathes).
C’est donc, en même temps qu’un hommage admiratif, une espèce de manifeste d’une certaine pratique du cinéma (et d’une certaine morale) que ce Biette que Pierre Léon a tourné en 2009 et qu’on a pu voir en avant-première à Beaubourg dans le cadre de Beaubourg, la dernière Major, le 12 novembre 2010 (dans une copie de travail, le mixage n’étant, parait-il, pas tout à fait achevé).
Le film est très loin du biopic et ne cherche pas à percer les zones d’ombre dans la vie de cette personnalité à la fois chaleureuse et cultivant le goût du secret. Même les images de Biette sont utilisées avec parcimonie : photos, extraits de quelques uns des films dans lesquels il a joué (Rohmer, Othon des Straub), ainsi que de rares documents le montrant sur les tournages de Loin de Manhattan (1980), de Oncle Vania (1997), film de Pierre Léon dans lequel il interprète le rôle titre, ou encore sur un plateau de radio. (sa voix était familière aux auditeurs de France Musique où il nous faisait fréquemment découvrir de précieux enregistrements d’archives de Bour, Rosbaud et autres grands chefs d’orchestre peu médiatisés.)
Le portrait, aux allures de kaléidoscope, évoque les différentes époques et facettes de la carrière de Biette (par exemple ses années italiennes et sa collaboration avec Pasolini, l’aventure de Diagonale ou l’heureuse parenthèse portugaise dans les années 90). Il rassemble les éléments les plus divers en assumant fièrement leur hétérogénéité.
Les extraits, nombreux et toujours judicieusement choisis, des sept long-métrages (plus un des courts) de Biette, font par exemple se répondre Jeanne Balibar, récitant un monologue d’Esther dans Saltimbank (2003), et Sonia Saviange répétant Athalie dans Le théâtre des matières (1976), toutes deux de dos face au miroir.
Pierre Léon a surtout recueilli une foule de témoignages, chaleureux et toujours passionnés-passionnants, interrogeant ceux qu’il a côtoyé lorsqu’il écrivait aux Cahiers du Cinéma (Jean Narboni, Louis Skorecki) ou à Trafic, la revue qu’il fonda avec Serge Daney (Sylvie Pierre, Patrice Rollet), mais aussi des collègues cinéastes (ceux de Diagonale : Vecchiali, Treilhou ; mais aussi Arrieta ou Oliveira), et des acteurs (Jean-Christophe Bouvet bien sûr, mais aussi Amalric, Balibar et bien d’autres).
On voit aussi des extraits de la pièce Barbe Bleue, montée au Portugal en 1996, ou filmée en 2009, spécialement pour l’occasion, avec Françoise Lebrun dans le rôle titre.
Il est difficile de ne pas éprouver un sentiment de nostalgie à la vision de Biette. Mais le film de Pierre Léon n’est pas une lamentation funèbre. Il nous invite surtout à croire encore à la force vitale d’un cinéma que certains continuent de défendre envers et contre tout et nous donne surtout une furieuse envie de revoir et de faire découvrir les films de Jean-Claude Biette.
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