En attendant Ophélie
Le 14 novembre 2010
Théâtre, science fiction, intrigues : le troisième long-métrage de Jean-Claude Biette mêle humour discret et inquiétude sourde dans un climat à la Jacques Tourneur
- Réalisateur : Jean-Claude Biette
- Acteurs : Howard Vernon, Laura Betti, Patachou, Tonie Marshall, Thomas Badek
- Genre : Comédie dramatique, Science-fiction
- Nationalité : Français
- Durée : 1h35mn
- Date de sortie : 7 mars 1990
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Théâtre, science fiction, intrigues : le troisième long-métrage de Jean-Claude Biette mêle humour discret et inquiétude sourde dans un climat à la Jacques Tourneur.
L’argument : "Il était une fois Tchernobyl...". Catastrophe dans la vallée du Rhône : une explosion nucléaire a fait de nombreuses victimes. Une jeune fille est sauvée par miracle, c’est l’actrice qui doit jouer Ophélie et que tout le monde attend... A Paris, Marie ramasse un champignon dans un Champ de Mars couvert de neige et le protège soigneusement de la lumière. Son frère Robert trouve un travail d’électricien dans un théâtre, celui-là même où doit se jouer Hamlet. Jeremy Fairfax, un metteur en scène américain oublié depuis longtemps, ne vit que pour Shakespeare et récite sans cesse les vers d’Hamlet. Jenny tient une librairie et travaille avec Marie. Grâce à Robert, Jenny apprend que son père, Jeremy Fairfax, qu’elle a perdu de vue, est à Paris. Elle va le voir et jouera la mère d’Hamlet dans la pièce. Quant à Marie, elle boit du lait de son champignon qui guérit tout ; mais Ludovic, son ami, veut profiter de ses bienfaits pour monter un commerce douteux. Robert vole le champignon et le dépose à la clinique pour Ophélie dont l’état empire de jour en jour. Les scientifiques ne croient pas aux vertus du champignon et Ophélie meurt... Marie et Robert se promènent au bord de l’eau.
Notre avis : Tourné dans un Paris hivernal deux ans après la catastrophe de Tchernobyl, Le champignon des Carpathes, avec les airs de film de science-fiction un peu fauché qu’il adopte par moments, n’est pas sans évoquer le climat qui règne dans les oeuvres de Jacques Tourneur, cinéaste que Biette affectionnait particulièrement.
Tout est comme légèrement en suspens, travaillé par une inquiétude sourde. Le son raréfié, étouffé dirait-on, contribue à cette impression, que ce soit dans les extérieurs vides de foule (Champs de mars enneigé, bords de Marne, dunes de Fort Mahon) ou dans des intérieurs plongés presque toujours dans une semi-pénombre (la lampe cassée dans un coin de la librairie n’est toujours pas réparée et les répétions dans le théâtre privé d’électricité se font à la bougie).
Le fantastique n’est pas loin dans cette histoire de champignon mystérieux aux vertus magiques autour duquel s’organisent toutes sortes de trafics et chassés croisés. Il y a même une troublante séance de spiritisme.
Ce film à l’allure presque improvisée (mais finement et précisément écrit comme tous ceux de son auteur) fut mis en chantier très vite pour tromper l’attente provoquée par les retards de production de Chasse gardée (1989-1993, avec Gérard Blain, Rüdiger Vogler, Tonie Marshall, Patachou). L’humour biettien lui confère une vraie légèreté malgré son arrière plan grave et sa tonalité mélancolique.
Si les histoires, nombreuses, n’y sont souvent qu’esquissées, Biette se méfiant des scénarios verrouillés, elles permettent de mettre en place, en quelques traits, des relations complexes : frère - soeur, père - fille, acteur - metteur en scène, médecin - patient, amante - amant (qui ment) et d’autres encore.
L’amour des acteurs, de leur diction propre, de leur manière bien à eux de se mouvoir, éclate à chaque plan. Biette, authentique musicien, les dirigeait très peu et pourtant ils jouent tous (et avec quel évident plaisir) à la Biette, c’est à dire avec une touche de théâtralité franche qui intrigue et s’avère paradoxalement juste. Les géniaux cabotins (Laura Betti, Howard Vernon, Patachou ou Tonie Marshall, sans oublier l’exquise Paulette Bouvet, récemment décédée) n’écrasent pas les autres, pourtant plus discrets, mais dont la présence à l’écran n’est pas moins intense.
Sorti le 7 mars 1990 dans une seule salle, Le champignon des Carpathes eut une carrière modeste (1580 entrées en exclusivité parisienne). Diffusé en son temps sur Canal+, il n’a guère été vu depuis que lors de quelques rétrospectives et séances spéciales. C’est pourtant un des plus beau film français des années 80 - 90 et sa réédition, comme celle des autres films de Biette, serait bienvenue. Ou plutôt : indispensable.
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