Inquiétante étrangeté
Le 6 août 2023
Chef-d’œuvre du fantastique, modèle de sobriété et d’intelligence.


- Réalisateur : Jacques Tourneur
- Acteurs : Simone Simon, Kent Smith, Tom Conway, Jane Randolph, Jack Holt
- Genre : Fantastique, Thriller, Épouvante-horreur, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
- Durée : 1h13mn
- Reprise: 21 janvier 2004
- Titre original : Cat People
- Date de sortie : 1er juillet 1970

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– Année de production : 1942
Résumé : Une jeune dessinatrice de mode, hantée par la peur d’être la descendante d’une race de femmes qui se transforment en panthère dès qu’elles ont perdu leur virginité, épouse un ingénieur en construction navale. Petit à petit, elle devient jalouse des relations féminines de son époux...
Critique : Oubliez tous ces pétards mouillés et autres fâcheux ersatz shootés à l’hémoglobine et aux dérivés potaches : La Féline est un chef-d’œuvre du fantastique, modèle de sobriété et d’intelligence. Parmi tous les films d’horreur que Tourneur a réalisé pour la RKO (alors dans le rouge à cause de l’échec d’un certain Citizen Kane...), La féline est certainement celui qui reste le plus emblématique. Cette œuvre au parfum suranné instille une atmosphère oppressante et divise son scénario en deux parties égales. La première consiste à montrer le déroulement d’une romance anodine entre deux individus (de la première drague dans un zoo au mariage) ; la seconde inverse ce cliché rassurant et propose un retournement de situation qui bouleverse la psychologie a priori lisse des personnages.
L’intrigue s’appuie sur la description d’une jeune femme (Simone Simon, superbe), secrète et sombre, séduisante et énigmatique, qui semble avoir été marquée à vie par les traditions de son village serbe (on n’en dira pas plus) et tente de fuir un passé lourd et traumatisant... Dépassant le cadre du simple suspense, le film délaisse progressivement un script a priori classique pour errer dans les zones d’ombre et titiller une thématique sur la schizophrénie, l’interdit, la transgression et la sexualité...
On ne voit pratiquement jamais le monstre mais on l’imagine beaucoup. Et c’est dans cette suggestion que réside la grande réussite de ce film qui va à la quintessence de l’angoisse. Ce climat mystérieux est rendu par une réalisation suprêmement élégante, toute en clair-obscur (ombres et reflets) et usant magistralement du hors champ (illusion, impression, simulacre, non-dit). Réalisé en seulement vingt-et-un jours, ce drame psychologique troublant sur la complexité de la nature humaine exploite le caractère potentiellement effrayant de tous les endroits possibles (piscine, cage d’oiseau, rue déserte...) pour jouer sur l’attente, le frisson, la frustration... Plus tard, des générations entières de cinéastes, de Nicholas Roeg à Robert Wise en passant par Hideo Nakata et M. Night Shyamalan, pourront lui dire merci.