Octobre - la critique

Un étrange voyage avec Dostoïevski qui nous emmène à Moscou à l’orée de l’automne.

L’argument : Trois hommes dans le train Bruxelles-Moscou. Ils ne se connaissent pas, mais se rencontrent autour de la lecture de L’Idiot de Dostoïevski. Ils s’appellent Benoît, Charles et Jérôme. Ils se séparent, arrivés à Moscou, mais se promettent de se revoir. Une quinzaine de jours plus tard, où on les voit se livrer à des activités mystérieuses, les trois voyageurs se retrouvent dans un vieil hôtel de l’époque soviétique. Deux autres amis, Héloïse et Benjamin, les rejoignent pour une fête improvisée. Benoît, lui, s’est éclipsé pour rendre visite à son vieil ami Naoum, qui lit pour lui quelques pages de L’Idiot. Après une dernière conversation mélancolique entre Charles et Benoît, ce dernier annonce qu’il repart pour Paris.

Notre avis : Comme dans un roman russe, deux hommes entament une conversation dans un compartiment de train - entre Bruxelles et Moscou - autour de L’idiot. Au bout d’un moment, nous découvrons avec surprise qu’il y avait un troisième homme. Coïncidence : lui aussi lisait L’idiot (« Prouvez - le ! » lui dit-on.). Ce genre de surprise est caractéristique d’un récit en apparence nonchalant, au rythme de ce voyage en train (en Pologne le train s’arrête à toutes les gares sans qu’on sache quand il va repartir). Mais le spectateur, loin de s’impatienter, adopte vite le rythme, curieux des petites surprises qui l’attendent au détour d’un plan.
Malgré les explications rationnelles qui sont données on ne comprendra qu’à moitié ce que ces hommes vont faire à Moscou, le récit restant délibérément lacunaire. Mais une amitié s’installe au fil des des conversations autour de Dostoïevski ponctuées de lectures en français et en russe, de panoramiques sur des paysages industriels désolés ou des campagnes verdoyantes (le film a été tourné du 4 au 26 octobre 2004), de plans de gares, de déambulations dans les rues de Moscou et d’intermèdes musicaux (Verdi, Beethoven, Wagner).

La partie moscovite est faite de bribes : soirée arrosée dans une chambre d’hôtel, salle de conférence avec orateur sur écran de télé, superbe vue sur la ville au crépuscule magnifiée par les couleurs froides, aux dominantes bleues et vertes, de la vidéo digitale, conversation mélancolique entre celui qui reste à Moscou pour l’hiver et celui qui rentre à Paris, éclairée par un magnifique soleil de fin d’après midi se reflétant sur le papier peint du mur. Cet assemblage peut paraître disparate mais le spectateur qui accepte de se laisser emmener sera récompensé de moments de grâce véritable.
Ce film secret, fait avec rien, et qui ne hausse jamais le ton, distille en effet un charme prenant et suscite même un enchantement durable qui est au coeur des autres chapitres de l’oeuvre de Pierre Léon. Octobre s’inscrit en effet dans la série Le dieu Mozart qui devrait, à terme, comporter quatorze épisodes. Une oeuvre confidentielle mais indispensable.
Le film sortira le 8 juin en DVD. Pour les caractéristiques techniques et les bonus, voir la critique de L’idiot , avec lequel Octobre est couplé.