Le 21 mai 2024
Si David Cronenberg manie le langage cinématographique non sans talent et depuis longtemps, ses deux dernières réalisations Les crimes du futur et Les linceuls témoignent hélas d’un brouillage des lignes et d’une complexité trop inintelligible pour le spectateur lambda.
- Acteurs : Vincent Cassel, Cécile de France, Guy Pearce, Diane Kruger, Sandrine Holt, Elizabeth Saunders
- Genre : Thriller
- Nationalité : Français, Canadien
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1m56mn
- Titre original : The Shrouds
- Date de sortie : 30 avril 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, en compétition
Résumé : Karsh, cinquante ans, est un homme d’affaires renommé. Inconsolable depuis le décès de son épouse, il invente un système révolutionnaire et controversé, GraveTech, qui permet aux vivants de se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls. Une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées. Karsh se met en quête des coupables.
- © Festival de Cannes 2024. Tous droits réservés.
Critique : David Cronenberg, fort d’une carrière de presque cinquante ans de cinéma, ne fait pas les choses à moitié. Il s’entoure d’une palette de comédiens prestigieux comme Vincent Cassel, Diane Kruger, Guy Pearce ou Sandrine Holt qui tous s’impliquent dans des rôles assez mystérieux dont les personnalités et les ressors dramatiques sont complexes. Le film évolue entre le genre fantastique, grande spécialité du réalisateur canadien, le drame sentimental et la fiction expérimentale, le tout dans un univers très soigné, des décors et des costumes absolument parfaits. Les qualités visuelles du long-métrage sont indéniables, témoignant de l’expertise du réalisateur et de ses aptitudes incroyables à mêler les genres et les ambiances. La musique assez profonde rajoute aux éléments de suspense et de tension du récit.
- Vincent Cassel, Cécile de France
- © Gravetech Productions Inc. / SBS Productions. Tous droits réservés.
L’histoire, profondément baroque, retrace le destin absolument pas ordinaire d’un entrepreneur qui, pour rester en lien avec sa femme récemment disparue de maladie grave, couvre son cadavre d’un linceul connecté à un système électronique ultra sophistiqué qui lui permet de continuer à la scruter sous la terre. Les choses se complexifient rapidement, puisque le cimetière qu’il a conçu est profané, et qu’il découvre que la tumeur de son épouse continue d’évoluer sur le corps pourtant mort. On s’arrête là car le récit s’engage dans la rencontre avec un avatar, une sœur en tout point semblable à la défunte et une enquête dans les bas-fonds de l’espionnage industriel et technologique.
Le problème demeure que David Cronenberg a voulu trop en dire. Il explore les thèmes de l’intelligence artificielle, de la révolution biotechnologique en médecine, du complotisme sous couvert d’un système de surveillance généralisé jusqu’aux tombeaux des personnes, et de façon plus anecdotique l’amour à l’épreuve de la maladie et de la séparation. Cela fait beaucoup pour un seul film qui épuise les thématiques autant qu’il perd son spectateur dans des chemins confus. À la façon d’un long métrage de Lynch, il conçoit un film dont on parvient difficilement à extraire le fil de la narration, tout en ressortant avec le sentiment d’une unité et d’une cohérence fictionnelles. Les linceuls finalement donne l’impression d’un film de passage, un peu dans la continuité des Crimes du futur qui s’embarquait dans une déambulation anatomique et technologique.
- Vincent Cassel et Diane Kruger
- © Gravetech Productions Inc. / SBS Productions. Tous droits réservés.
On ressort du long-métrage avec le sentiment contrasté d’un film remarquablement ficelé, très intelligent, mais paradoxalement inintelligible pour le commun des mortels. La fonction du cinéma se pose, s’il s’agit d’offrir aux spectateurs de la matière à réfléchir et penser le monde, ou à le contraindre de refaire l’histoire dix fois dans sa tête pour parvenir à trouver un peu de cohérence. C’est dire que l’œuvre est loin d’être banale et mérite de toutes façons de s’y attarder. Sans doute sera-t-on éclairé avec le temps, et les commentaires esthétiques ou universitaires sur l’objet de cinéma ne manqueront pas de fleurir. Mais il faut admettre que Les linceuls fonctionne plus comme une énigme qu’un récit linéaire, structuré de façon classique.
On est donc face à un évènement car un film de Cronenberg est par essence un fait artistique notoire. Dire qu’on s’y est passionnée serait mentir, tout comme le contraire d’ailleurs. C’est un ovni cinématographique qu’il faut aborder avec beaucoup d’humilité, et où il faut accepter qu’on n’y comprend pas vraiment grand-chose. Les uns crieront au génie, les autres au navet, et c’est bien normal avec ce genre de cinéma.
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