Au nom du Père
Le 8 avril 2005
Un coffret indispensable pour aborder l’une des œuvres les plus singulières du cinéma français
- Réalisateur : Robert Bresson
- Genre : Drame
- Editeur vidéo : MK2 Video
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Pickpocket (1959)
– Drame
– Avec Martin Lassale, Marika Green et Jean Pelegri
– Durée : 1h15mn
Procès de Jeanne d’Arc (1961)
– Drame historique
– Avec Florence Delay et des acteurs non professionnels
– Durée : 1h07mn
L’argent (1983)
– Drame
– Avec Christian Patay, Caroline Lang et Vincent Risterucci
– Durée : 1h25mn
– Le coffret DVD :
Les éditions MK2 viennent de commercialiser un coffret précieux pour une approche très complète de l’œuvre de Robert Bresson. Trois films et près de cinq heures de bonus pour aborder une des œuvres les plus singulières du cinéma français, et en dénouer quelques fils.
L’argent, Pickpocket et Procès de Jeanne d’Arc. Trois chemins divergents pour mettre en avant l’unité d’une œuvre.
L’argent, dernier film de Bresson et le seul film en couleurs du coffret, précipite le destin d’Yvon, bon père, bon époux, à partir du moment où il va se trouver en possession d’un faux billet de cinq cents francs.Pickpocket retrace la trajectoire de Michel, fasciné par l’impunité qui pourrait faire échapper certains êtres au lot commun, il devient voleur comme par défi jusqu’à retrouver le chemin qui le mènera jusqu’à Jeanne. Au regard de ces deux histoires, le Procès de Jeanne d’Arc fait figure de curiosité. Ce serait compter sans la rigueur de Bresson et son attachement à une logique de pensée et de démonstration qui se détache indéfectiblement de chacun de ses films. Procès de Jeanne d’Arc reprend avec une extrême précision les minutes du procès en condamnation, et du procès en réhabilitation, intervenu vingt-sept ans plus tard. Un fatras de notes manuscrites vieilles de plus de six siècles que Bresson va dépouiller et organiser afin de faire émerger la parole nue par laquelle se dessine le portrait de Jeanne. Portrait d’une âme, dit-on.
L’argent et Pickpocket semblaient démonter les mécanismes d’une déchéance consentie. Le procès en éclaire le propos et rend tout son mysticisme à l’œuvre. Car il est question de destin, de chemin à suivre vers un accomplissement, une intention qui nous dépasse. Il y a quelque chose de presque janséniste dans cet abandon de soi à une volonté omnisciente. Dans sa cellule, Jeanne ne doute que des hommes lorsqu’elle fléchit : ceux de mon camp m’ont-ils abandonnée ? C’est presque une ré-appropriation du cri du Fils sur la croix. Mais Jeanne en a la certitude. Dieu ne l’abandonnera jamais. Le Dieu qui joue de la destinée de Michel et Yvon est moins présent, moins nommé. Mais ils n’en sont pas plus maîtres de leurs destins. Tout est tracé dans une logique que l’homme ne comprend pas mais doit accepter. Le reste est dérisoire, à l’image de la vie de Michel, prise dans un tourbillon de délinquance, de fuites, de mensonges, pour trouver, au bout du chemin l’amour de Jeanne qui avait toujours été à portée de sa main.
Car le mysticisme de Bresson a aussi à voir avec l’absurde de Camus. La vie nous échappe lorsqu’on essaie de la comprendre. Jeanne d’Arc, incapable de douter, ne percevra cette absurdité de la vie qu’à travers l’immense solitude qui l’étreint parfois dans sa cellule. Mais ses voix l’accompagnent, lui rendant sa foi en des desseins qu’il ne lui appartient pas de comprendre. C’est le dépouillement extrême, la pureté de sa vie qui sauvent Jeanne de la chute. Michel et Yvon font d’autres choix qui les mèneront pourtant jusqu’à l’accomplissement de leur destinée. Les méandres de leurs chemins ne sont que des égarements passagers, des sirènes dont les voix ne remplaceront jamais celle de Dieu.
Le coffret DVD
Les suppléments : Près de cinq heures de bonus, pour faire de ce coffret un indispensable pour les admirateurs de Bresson. Autour de Pickpocket, une brève interview d’époque, la bande annonce, un débat, et surtout douze minutes de prestidigitation, extraites de "La piste aux étoiles", où se produit Kassagi, "le roi des pickpockets". On sait que Bresson souhaitait confier l’interprétation de ses films à des acteurs qui auraient été un "matériau brut". Il privilégiait ainsi des non professionnels, jamais "pervertis" par la caméra, et capables de se laisser modeler à cette diction si particulière et ce non-être des personnages. Un documentaire de près d’une heure propose une approche de ces interprètes, que Bresson appelait des "modèles".
Les suppléments autour de L’argent sont plus modestes. En plus de l’inévitable bande annonce, on trouve une brève intervention de Marguerite Duras, et deux interviews de Robert Bresson à l’occasion de la présentation de son film à Cannes.
Procès de Jeanne d’Arc, enfin, offre une très grande richesse de bonus. Interview du réalisateur, discours d’André Malraux, et surtout, une rencontre avec Florence Delay, l’interprète de Jeanne, quarante ans après, sur les lieux du tournage. Beaucoup de recul, de sensibilité et de compréhension, à la fois du personnage de Jeanne et de celui de Robert Bresson, unis dans une même démarche mystique. Enfin, un extrait des Brûlures de l’histoire, avec Georges Duby et Laure Adler, éclaire brillamment l’histoire de Jeanne d’Arc à partir d’un rappel de l’Histoire de France au début du XVe siècle, et resitue le personnage de Jeanne dans la société de son époque avec ses peurs et ses superstitions.
– Coffret 4 DVD
– Les films en copies neuves restaurées
– Editeur MK2
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