Fantaisie militaire
Le 25 mars 2018
Serge Bozon nous propose un petit miracle cinématographique, d’une folle originalité, soutenu par l’extra-terrestre Sylvie Testud. Stupéfiant. Prix Jean Vigo 2007.
- Réalisateur : Serge Bozon
- Acteurs : Pascal Greggory, Guillaume Depardieu, Sylvie Testud, Jean-Christophe Bouvet, François Négret, Didier Brice, Guillaume Verdier
- Genre : Film de guerre, Musical
- Nationalité : Français
- Distributeur : Shellac
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 21 novembre 2007
- Festival : Festival de Cannes 2007
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Résumé : Automne 1917. Au loin, la guerre bat son plein. A l’arrière, Camille, une jeune femme, vit au rythme des nouvelles de son mari parti au front. Mais un jour, elle reçoit une courte lettre de rupture. Bouleversée et prête à tout, elle décide de se travestir en homme pour le rejoindre. Elle se dirige vers le front, empruntant les chemins de traverse afin d’échapper à la vigilance des gendarmes. Dans une forêt, elle rencontre une petite troupe de soldats qui ne se doutent pas de sa véritable identité.
Critique : Bien sûr, il y a ce titre, La France, effrayant par son aspect global et définitif, son évidence pleine de mystères qui intrigue au plus haut point. C’est quoi la France ? La "vraie France" comme disent certains personnages. Sans doute un idéal recherché par des âmes en peine, des fantômes traversant des paysages mornes avec une petite musique dans la tête grâce à laquelle ils gardent toujours l’espoir de trouver un jour leur éden ou leur amour perdu. Un peu à l’image du Brazil (autre titre territorial) de Terry Gilliam.
Mais La France, c’est surtout un film de guerre âpre dans lequel Serge Bozon, grâce à une réalisation sèche et maîtrisée, ne s’éparpille pas et va droit au but. Pour s’en convaincre, il suffit de voir l’introduction elliptique qui nous fait entrer dans le vif du sujet avec une rapidité étonnante. Le cinéaste s’est débarrassé du gras pour ne s’intéresser qu’aux nerfs de la guerre. Une guerre pourtant absente de l’écran, seulement devinée voire fantasmée par le spectateur qui découvre, avec Camille (Sylvie Testud), ce no man’s land périphérique rempli de souffrances silencieuses passées et à venir. Un décor crépusculaire dans lequel la vie s’est arrêtée, soit définitivement soit pour renaître de ses cendres. Le groupe de soldats que rencontre Camille porte les stigmates physiques et mentaux de ce désastre et achève de définir la guerre comme ultime et brutale réalité de la condition humaine en ce sens qu’elle brise à jamais les chimères dans lesquelles nous nous réfugions avec volupté (voir les multiples références au mythe de l’Atlantide).
Cette évocation spectrale de la guerre est magnifique tant d’un point de vue esthétique et plastique que moral. Mais le tour de force du film concerne bien sûr les parties chantées. Là, Bozon a pris un risque énorme (la toux gênée de certains spectateurs le prouve) en créant ces chants de bataille qui s’incrustent dans le récit avec une aisance remarquable. Le pari est cependant réussi. Ces petites vignettes musicales, que l’on jurerait écrites par Brian Wilson des Beach Boys, sont de petites sucreries légères offrant une alternative salvatrice et vitale à l’atmosphère funeste contaminant l’œuvre. Une sorte de remède jouissif élaboré par des saltimbanques tire-au-flanc contre la mort promise et attendue.
Ce chœur militaire est également, et surtout, par ses paroles explicites, le miroir des peines de cœur de Camille. Un mélange classique d’Eros et Thanatos incarné de manière stupéfiante par Camille. Le sens de son engagement amoureux (la recherche désespérée de l’être aimé) fait clairement écho à l’engagement guerrier. Dans les deux cas la mort est proche. Le personnage n’hésite d’ailleurs pas à se sacrifier pour sa quête (elle se fait tirer dessus, saute délibérément d’un pont, etc.). Il faut souligner ici le génie de Sylvie Testud qui campe avec une force inouïe ce personnage à la détermination sans faille ni concession. Son visage d’enfant androgyne traversant ce rêve éveillé - car après tout il ne s’agit peut-être que de cela - restera gravé dans nos mémoires pour longtemps. Comme le magnétisme habituel de l’immense Pascal Greggory.
On ne peut donc que saluer cette entreprise originale et osée.
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