Delphine Seyrig se souvient
Le 6 octobre 2013
Fidèle à son thème de l’introspection mentale, Alain Resnais filme un récit subtil magnifié par la sublime Delphine Seyrig. Lion d’or et prix d’interprétation féminine au Festival de Venise.
- Réalisateur : Alain Resnais
- Acteurs : Delphine Seyrig, Jean Dasté, Nelly Borgeaud, Philippe Laudenbach, Laurence Badie, Jean Champion, Jean-Pierre Kérien, Nita Klein, Jean-Baptiste Thiérrée
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films de la Pléiade
- Editeur vidéo : Arte Editions
- Titre original : 1h57mn
- Date de sortie : 2 octobre 1963
- Festival : Festival de Venise 1963
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Résumé : Septembre 1962. Hélène Aughain, femme au début de la quarantaine et antiquaire à domicile, vit à Boulogne-sur-Mer avec Bernard Aughain, son beau-fils qui revient d’Algérie. Elle fait revenir son amour de jeunesse, Alphonse Noyard, un homme dissimulateur, charmeur et habile. Il arrive accompagné d’une jeune femme, Françoise, actrice débutante, qu’il fait passer pour sa nièce. Hélène les accueille et la cohabitation du groupe va s’avérer source de tensions : rémanence du passé propre à chacun, résolution du passé et amours contrariés.
Notre avis : Après avoir révolutionné l’écriture cinématographique avec Hiroshima mon amour et L’année dernière à Marienbad, Alain Resnais réalisa un nouveau coup de maître avec Muriel ou Le temps d’un retour. Jean Cayrol succède ici à Marguerite Duras et Alain Robbe-Grillet pour l’élaboration d’un scénario tout aussi complexe et déroutant, même si le récit se veut, en apparence du moins, davantage linéaire. De Muriel, nous ne saurons pas grand chose, si ce n’est qu’il s’agit du prénom imaginé par Bernard (Jean-Baptiste Thiérrée) pour parler de sa petite amie à son entourage, mais que c’était également ainsi que s’appelait la jeune femme maltraitée par des soldats français et lui-même lorsqu’il effectuait son service militaire. Cinéaste audacieux, Resnais est le premier à évoquer la torture en Algérie, de même qu’il avait osé aborder avant d’autres les traumatismes de l’horreur nucléaire dans Hiroshima... Comme Emmanuelle Riva dans ce premier film, Hélène (Delphine Seyrig) tente d’exorciser un mauvais souvenir de jeunesse, son amour tourmenté avec Alphonse (Jean-Pierre Kérien) ayant eu pour cadre la ville de Boulogne-sur-Mer. Pourtant, nul flash-back ne vient ici faire alterner les époques et les villes (Alger, Boulogne), le passé ne surgissant à l’écran qu’au détour du plan d’une plaque de rue endommagée, d’une vieille lettre retrouvée dans un tiroir, d’un film amateur projeté et surtout des discussions passionnées entre les protagonistes.
Resnais ose même faire chanter un vieil ami invité (Jean Champion) pour dévoiler une ancienne énigme amoureuse, sans toutefois la volonté de décalage humoristique qu’il manifestera dans La vie est un roman et On connaît la chanson. Muriel ou Le temps d’un retour semble pourtant intemporel, au-delà de son souci de convoquer les thèmes de la mémoire et de l’introspection (senti)mentale. C’est un film sur les doutes et les faux-semblants. Les personnages hésitent à se tutoyer ou se vouvoyer. On y célèbre la convivialité et l’hospitalité mais les protagonistes s’enfuient brusquement pour satisfaire leur addiction pour le jeu de casino ou se réfugier dans une garçonnière isolée près de la mer, et dans laquelle s’entassent des secrets inavouables. Par instants, le montage magistral met en avant une succession de brefs plans sur des lieux et des visages, procédé cher à Resnais depuis le court métrage Nuit et brouillard. La musique de Hans Werner Henze, envoutante et déstructurée, contribue à ce climat d’oppression et d’étrangeté, et annonce (surtout au générique de fin), le rapport avec l’art musical qui sera au centre de L’amour à mort. Tour à tour radieuse et fantomatique, Delphine Seyrig est sublime et trouve ici l’un de ses meilleurs rôles à l’écran. Le jury du Festival de Venise ne s’y trompa pas, qui lui décerna le prix d’interprétation féminine en même temps qu’un Lion d’or mérité pour le film.
– Festival de Venise 1963 : Prix d’interprétation féminine pour Delphine Seyrig
– British Film Institute Awards 1963 : Trophée Sutherland pour Alain Resnais
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