Le 23 avril 2025
Si ce joli conte autobiographique raconte avec brio le désir et le courage de vivre à travers une jeune sœur atteinte d’une maladie grave, il témoigne surtout de la naissance d’un cinéaste d’importance : Thomas Hug de Larauze.


- Réalisateurs : Laurène Hug de Larauze - Thomas Hug de Larauze
- Genre : Documentaire, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français
- Distributeur : Wayna Pitch
- Durée : 1h31mn
- Date de sortie : 23 avril 2025

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Laurène, vingt-deux ans, laisse derrière elle l’image d’une soif de vie débordante malgré la maladie, ainsi que des dizaines d’heures de vidéos qu’elle avait tournées pour partager son histoire. Personne n’a jamais vu ses images et ils s’étaient promis d’en faire un film avec son frère jumeau. Sur les traces de sa sœur, Thomas décide alors d’interroger sa mémoire, celle de sa famille et de réaliser sa promesse.
Critique : Raconter le cancer du sang et tous ses déboires malheureux à travers une caméra domestique ressemble au mieux à un vague témoignage destiné à peupler les réseaux sociaux. Et pourtant, soudain, grâce à la magie du montage et la puissance narrative extraite de ces images de famille, surgit ce qu’on appelle un vrai film de cinéma. Car le frère jumeau, Thomas, quelques longues années après le décès de Laurène, sa sœur atteinte d’une leucémie, entreprend de ressortir des images qu’elle avait enregistrées et de tisser un récit en donnant la parole à ses parents et sa fratrie. Il faut alors quelques secondes de film pour comprendre qu’un cinéaste est né sur les écrans, loin du formatage soigné d’une école de cinéma, avec ses émotions propres, ses maladresses, et surtout un amour infini pour sa sœur.
Promesse porte un titre assez énigmatique. S’agit-il de la promesse faite à sa sœur de ressortir ces images arrachées ou des espérances déçues de remèdes et de greffes du poumon et de la moelle osseuse ? Thomas Hug de Larauze ne livre pas toutes les clés de sa pensée. Il laisse les mots glisser devant la caméra, qu’il s’agisse de lui-même, de ses parents, de ses frères et sœurs, de leurs amis communs, dans une langue qui joue avec les erreurs de style et un sens inouï du montage. Car ce film ne serait pas parvenu à devenir une œuvre de cinéma sans ce travail absolument méticuleux du montage. De temps en temps, le réalisateur insère dans son texte des images d’animation qui apportent au long-métrage une forme d’insouciance heureuse au milieu de ces années de soin, de guérison puis de récidive dans un mal plus brutal que le cancer.
- Copyright Wayna Pitch Distribution
Promesse n’est surtout pas un film narcissique. On connaît la difficulté pour les réalisateurs de faire vivre leur art, de parvenir à séduire un distributeur et des exploitants. Thomas Hug de Larauze y est parvenu avec la force du miracle. Le distributeur Wayna Pitch en la personne de son dirigeant, Jonathan Musset, ne s’est pas trompé en donnant la chance à ce film d’exister sur des écrans. La magie opère en effet dans une texture qui ne triche pas, et échappe au misérabilisme douteux. Au contraire, le propos opte en faveur d’une grande dignité dans l’expression de la douleur familiale, mais aussi des joies nombreuses qui colorent ces gens de Nantes, manifestement aisés, mais tenus par un amour indéfectible. Que le spectateur ne s’y trompe pas. Il ne s’agit pas d’un documentaire pour les hypocondriaques ou les amateurs d’informations médicales. Promesse raconte l’amour, le courage de vivre, et l’espoir que, même minuscule, toute existence mérite d’être vécue.
Assez magiquement, au fur et à mesure que le récit se déroule sur l’écran, la confiance en soi du réalisateur dans son talent s’amplifie. En effet, les images, les prises de vue, le rapport à la musique se bonifient jusqu’à cette fin très belle, très digne, où la vie gagne définitivement sur la mort. On comprend que ce long-métrage ne se résume pas à une simple juxtaposition d’images personnelles, mais qu’il trouve sa puissance dans une écriture parfaitement ciselée donnant au récit une dimension quasi spirituelle.
- Copyright Wayna Pitch Distribution
Promesse a trouvé sa place dans de nombreuses salles de cinéma sur toute la France. C’est heureux car le film prouve que seul le talent paye vraiment pour faire exister un cinéma rare et confidentiel. On ressent dans cette œuvre l’énergie solaire de Jean-Gabriel Périot, rare documentariste contemporain capable de faire à partir de l’intime une expérience universelle de cinéma. Cette autofiction témoigne d’un sens du sacré chez Thomas Hug de Larauze qui pourtant se défend bruyamment de ne pas pratiquer la religion.
On comprend et on ressent le drame de cette famille qui a perdu son dernier enfant. Mais Promesse permet soudain à cette histoire de vie de gagner une sorte d’immortalité, le temps au moins de sa diffusion sur les écrans de cinéma.