Restauré par StudioCanal
Le 18 avril 2014
Sous une apparente légèreté, une œuvre profonde, réussite méconnue de Marcel L’Herbier. Danielle Darrieux y trouvait son premier grand rôle de l’après-guerre.
- Réalisateur : Marcel L’Herbier
- Acteurs : Danielle Darrieux, Paulette Dubost, François Périer, André Luguet, Henri Crémieux
- Genre : Noir et blanc, Comédie romantique
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Tamasa
- Durée : 1h37mn
- Date de sortie : 15 mai 1946
- Festival : Festival de Cannes 2010
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- Sortie DVD : 6 mai 2014
L’argument : Deux jeunes époux, Martine et Denis, ne cessent de se quereller. Au bout de patience, Denis s’enfuit sur la Côte d’Azur. En essayant de le rejoindre, Martine fait la connaissance d’Alain Plessis, un romancier distingué et désabusé...
Notre avis : Sorti en 1946, Au petit bonheur est longtemps resté invisible en France, avant d’être restauré en 2010 et présenté dans la section Cannes Classics du Festival de Cannes. Considéré comme un film mineur en son temps, il mérite une certaine réhabilitation. Certes, depuis l’arrivée du parlant, Marcel L’Herbier n’était plus considéré comme un artiste d’avant-garde, l’esthète de L’inhumaine reconnaissant lui-même qu’il a dû s’autocensurer dans de nombreux films, compte tenu des contraintes commerciales en vigueur dans le cinéma français à partir des années 30. Mais Au petit bonheur et son ton de comédie policière et romanesque constituent ce qu’il a fait de mieux au cours de cette période sonore, avec Le bonheur et La nuit fantastique. Adapté d’une pièce de boulevard jouée avec succès sous l’Occupation, le film a été monté autour de Danielle Darrieux, alors star numéro un du cinéma français, et qui avait triomphé pendant la guerre avec Battement de cœur et Premier rendez-vous, sous la direction de son ex-époux Henri Decoin. Agée de 28 ans au moment du tournage, l’actrice passa ici des rôles de jeunes filles à celui de jeune femme, avec ce charme naturel et ce don pour la comédie qu’elle avait perfectionnés à l’occasion de son séjour Hollywoodien à la fin des années 30.
On trouve aussi les prémices de son personnage de coquette bovaryenne et faussement frivole qu’elle composera pour Ophuls. Darrieux retrouvait ici son partenaire André Luguet, ex-séducteur du début du parlant et tête d’affiche de pièces légères, ainsi que François Périer, jeune premier promu à une grande carrière théâtrale. Si les quiproquos et le comique de situation ont quelque peu vieilli, le film échappe à un matériau scénique un brin démodé pour insuffler un véritable rythme burlesque que l’on peut apprécier dès la séquence de l’auto-stop. Metteur en scène élégant et sobre, Marcel L’Herbier étonne par un humour noir et un mélange des genres auxquels il ne nous avait pas habitués. On est ainsi surpris de l’alternance de séquences purement loufoques (le journaliste allumé incarné par Jacques-Henri Duval) et de moments de gravité teintés d’humour noir, qui voient une aubergiste suicidaire (Paulette Dubost) sauvée de la pendaison par un auteur dramatique dépressif… On songe au divertissement macabre qu’était Drôle de drame, à New York-Miami et autres « comédies du mariage » aussi bien qu’au suspense policier d’un Hitchcock dans Soupçons. Même la séquence chantée, typique du Darrieux-film, s’impose ici comme une pièce de plus au dispositif d’une ambiance décalée et contrastée. Le film comporte aussi un sous-texte audacieux, avec des allusions à l’impuissance possible de ces messieurs ou aux tentations de combinaisons amoureuses qui annoncent Jules et Jim. On se demande si ces digressions ont été suggérées par L’Herbier ou initiées par les deux adaptateurs, à savoir Françoise Giroud et Marc-Gilbert Saugajon, auteur de la pièce. Sur le plan visuel, le film doit beaucoup aux décors de Jacques Colombier : par son potentiel symbolique et son esthétique des miroirs, le décor de l’auberge, d’une sécheresse très travaillée, fait écho aux recherches plastiques de L’Herbier dans les années 20. Divertissement brillant et subtil, Au petit bonheur est donc une œuvre rare à redécouvrir.
LE TEST DVD
Un DVD agréable proposé par l’éditeur Tamasa, à partir du 6 mai soit 5 jours après le 97e anniversaire de notre Darrieux nationale...
Les suppléments
Minimum syndical sur les pistes de lecture : la filmographie de L’herbier et une galerie de photos et d’affiches. Mais le boitier du DVD comprend un beau livret de 16 pages avec des analyses subtiles de Charlotte Garson.
L’image
Le travail de restauration fait honneur au directeur de la photo Jules Kruger, à qui l’on doit par ailleurs les splendides prises de vue de Napoléon et Pépé le Moko.
Le son
Son mono de qualité. Le travail de restauration permet en particulier d’apprécier la composition musicale de Wal Berg, auteur de la mélodie Au petit bonheur et autres tubes de Danielle Darrieux. Les plus nostalgiques se surprendront à pousser la chansonnette après la lecture du DVD...
Galerie Photos
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