L’avant-garde française des années 20
Le 6 août 2013
Avec ses décors recherchés et son esthétique abstraite, ce film de Marcel L’Herbier est emblématique des recherches de l’avant-garde française des années 20.
- Réalisateur : Marcel L’Herbier
- Acteurs : Marcelle Pradot, Jaque-Catelain, Philippe Hériat, Georgette Leblanc
- Genre : Mélodrame, Film muet, Noir et blanc
- Durée : 2h15mn
- Date de sortie : 12 décembre 1924
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Résumé : Claire Lescot, cantatrice adulée, repousse les avances des hommes qui l’admirent et lui proposent tous les trésors dont ils disposent. Fou d’amour mais ignoré par la belle qui ne songe qu’à dominer ses prétendants, Einar Norsen, un jeune savant, menace de se suicider. Il simule son décès en laissant sa voiture chuter dans un fleuve. La honte et le scandale submergent alors la chanteuse qui est huée lors de sa représentation. Bouleversée, elle s’attriste et s’intéresse de plus en plus au sort du malheureux qui se révèle en vie, attisant la jalousie de l’inquiétant fakir indien Djorah de Nopu qui était jusqu’alors son favori.
Critique : Après El Dorado (1921) et avant L’argent (1928), L’inhumaine constitue un sommet de l’oeuvre de L’Herbier et de la première avant-garde française des années 20, celle qui n’était pas encore imprégnée de surréalisme et de démarche documentaire. « La principale tâche du réalisateur consiste à introduire […] le plus grand nombre de thèmes purement visuels dans un scénario fait pour contenter tout le monde », professait René Clair. Esthète raffiné, futur créateur de l’IDHEC (ancêtre de la Femis), Marcel L’Herbier, aujourd’hui oublié, est l’un des meilleurs représentants de ce courant. L’inhumaine est sur le papier un mélodrame comme il s’en produisait beaucoup à l’époque. Pierre Mac Orlan, écrivain à succès et futur auteur du Quai des brumes, ne semble pas pour rien dans la tonalité mélodramatique de ce récit sentimental, avec ses rebondissements, remords et déchirements amoureux. Le climat de mystère qui y règne tient aussi à une tradition populaire incarnée au cours de la décennie précédente par les serials de Louis Feuillade (Les vampires). On pense ici au personnage du fakir (Phillipe Hériat), aux scènes d’empoisonnement et de fuite en voiture, ainsi qu’à l’étrange laboratoire scientifique du jeune Einar Norsen, auquel Jaque-Catelain prête son beau visage juvénile et romantique.
Le fantastique est même présent, et l’on y ranime des morts avec la même opiniâtreté que le docteur Frankenstein. Fourmillant d’inventions brillantes, Marcel L’Herbier prend ses distances avec le scénario en surlignant les moyens propres du cinéma : jeu d’ombres et lumières, surimpressions, déformations, flous, avec des innovations dans le découpage, tel le montage alterné qui montre le récital de Claire et le suicide de son soupirant. De brèves séquences de flash-back, filmant la même action, étaient également inhabituelles à l’époque. Mais c’est surtout le décor, influencé par le cubisme, qui constitue le clou esthétique du film, Claude Autant-Lara et Alberto Cavalcanti ayant collaboré avec Fernand Léger et Robert Mallet-Stevens. Ce foisonnement visuel fait l’intérêt de L’inhumaine, mais en même temps ses limites, la tentation de l’exercice de style pouvant paraître un peu forcée. Par ailleurs, Georgette Leblanc, d’un physique sans jeunesse et au maquillage outrancier, n’a pas le charisme d’une Falconetti ni même d’une Gaby Morlay. Ces quelques réserves n’empêchent pas d’apprécier ce classique du cinéma muet.
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