Le 18 septembre 2018
Ce film ambitieux séduit encore par sa beauté plastique et ses décors, même si l’interprétation a souvent mal vieilli.
- Réalisateur : Marcel L’Herbier
- Acteurs : Louis Jourdan, Suzy Delair, Louis Salou, Gisèle Pascal, Maria Denis
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Discina
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 17 janvier 1945
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– Année de production : 1942
Résumé : Paris, milieu du 19e siècle. Rodolphe et ses trois amis vivent une vie agitée et excessive. Une vie de bohème...
Notre avis : Bien oubliées aujourd’hui, les Scènes de la vie de bohème d’Henri Murger sont plus connues par l’opéra de Puccini que par le roman autobiographique qui l’a inspiré. Pendant la guerre, Marcel L’herbier, loin de ses expérimentations muettes, en réalisa un film fusionnant littérature et musique et bénéficiant d’extraordinaires décors qui recréent un Paris du dix-neuvième siècle aussi somptueux que factice (le train !) et d’une indéniable beauté. C’est même l’un des charmes principaux d’un métrage inégal mais porté par une vivacité que la caméra mobile de L’herbier capte au mieux, en multipliant des travellings soignés, reflets d’une agitation perpétuelle.
La première partie présente les quatre artistes impécunieux cherchant comment manger ou payer un loyer, sans que jamais la gravité ne l’emporte : la belle scène du repas d’extérieur tandis que les meubles sont confisqués possède une verve étourdissante. Les dialogues (« Le propre d’un mobilier, c’est d’être mobile »), le jeu des acteurs, la caméra, tout virevolte. La guerre des anciens et des modernes se rejoue en mode mineur, mais dans une gaieté qui semble inaltérable.
Dans ce film découpé symboliquement en saisons, le printemps et l’été incarnent l’énergie mais l’automne, avec le retour catastrophique du philosophe dont l’île qu’il avait gagnée a sombré et surtout la maladie de Mimi, s’obscurcit : la misère pèse et le drame se noue, il faut bien le dire de manière conventionnelle. Ce qui l’est moins, c’est l’image, constamment travaillée dans un noir et blanc contrasté et un éclairage complexe. On sera plus perplexe devant une interprétation souvent défaillante : si Louis Jourdan s’en tire plutôt bien, malgré sa raideur, la Mimi de Maria Denis est insupportable de minauderies ; quant au cabotinage des seconds rôles, il varie du réjouissant (Sinoël) au balourd (Alfred Adam) même si l’on apprécie toujours cette galerie de figures connues typique du cinéma français des années 40.
A voir aujourd’hui La vie de bohème, on est surtout frappé par la reconstitution d’époque : la naissance du saxophone, les distractions, les danses, les rues et leur animation, l’opposition entre faste et misère : tout est impeccable et la réalisation en fait un décor parcouru avec une habileté généreuse. Ce qui marque également, c’est la qualité des dialogues parcourus de bons mots : « Cette génération ne pense pas, elle digère », « la valse, encore une danse étrangère, pauvre France ! », « les hommes c’est comme les chapeaux, il faut en essayer beaucoup ». Et si l’ensemble se traîne un peu avec une fin laborieuse et larmoyante, quelques séquences d’une beauté irréelle (la promenade dans le jardin, avec le clin d’œil à Murger, l’apparition magique de Roger Blin et l’atmosphère vaporeuse ) ou émouvante (les lettres jetées au feu) ont gardé leur fraîcheur.
Ce film ne put sortir qu’en 1945, sans doute pas à la bonne époque pour un public avide de cinéma américain, et sombra dans un oubli jusqu’à une date récente. Dommage pour une œuvre aussi soignée qui, malgré des défauts irritants, est aussi un documentaire et un témoignage précieux sur la manière dont on concevait l’adaptation et le prestige.
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