Le 7 février 2006
- Auteur : Nathalie Ours
La sortie de TOC nous donne l’occasion de revenir sur l’oeuvre de Nathalie Ours, six romans qui constituent un véritable univers où s’enroulent quelques obsessions.
La sortie de TOC nous donne l’occasion de revenir sur l’œuvre de Nathalie Ours, six romans qui constituent un véritable univers où s’enroulent quelques obsessions.
Vous aviez déjà parlé de l’enfance, dans Pot-pourri, vous y revenez ici, dans un texte beaucoup moins sombre, mais qui touche aussi à ces blessures du plus jeune âge. Qu’est-ce qui vous intéresse chez ces personnages ?
Tout d’abord, je ne dirais pas que TOC est moins sombre que Pot-pourri... moins violent, oui, dans sa forme, mais finalement, aussi désespéré, ou plus exactement avec la même béance sur le désespoir - peut-être plus aspirante encore. Dans les deux cas, l’horizon des jeunes héros paraît extrêmement bouché, mais chacun à leur manière, ils ont accès à la grâce. Cependant, dans TOC, on ne sait pas ce qui va l’emporter : la grâce ou l’enfermement. Dans Pot-pourri, tout serait question de circonstances. Dans TOC, s’il y a résolution, elle est interne au personnage. Ce qui m’intéresse, c’est de placer des figures dans des situations conflictuelles (avec un choc suprême), et de les voir évoluer. Il n’y a pas de manichéisme. Ce sont tous les "entre deux", tous ces moments indicibles et touchant à la solitude profonde de l’être, que j’ai envie d’explorer, de faire partager.
L’écriture de TOC est très épurée et tout en douceur. Vous nous aviez habitués à une langue beaucoup plus violente, comme si cette violence protégeait de soi et des autres. Camille aurait-elle trouvé une autre force ?
L’écriture de TOC serait la voix d’une petite fille un peu surdouée, sage et lucide. La violence est intrinsèque, et c’est bien ça qui la piège. Les mots n’ont pas assez de pouvoir pour Camille. Pour faire face à ce qui la violente, elle doit trouver un autre système (les chiffres, les TOCs). Je ne crois pas que la violence protège de soi et des autres. La violence ne protège de rien. Elle est primitive, elle nous relance dans la barbarie, dans nos instincts primitifs. C’est en cela qu’elle "viole" chacun de nous. Elle nous viole dans notre évolution d’homme.
TOC est écrit à la première personne, comme la plupart de vos romans. Est-ce une nécessité pour vous de vous exprimer par la voix de votre personnage ?<br
Ça dépend. La ceinture est écrite en "tu". J’adapte la forme au fond. Si je veux que mon lecteur soit voyeur, je n’emploie pas la première personne. Si je veux qu’il s’identifie, je le fais. J’ai la volonté de le capturer d’une certaine manière, de ne plus le lâcher. La technique utilisée est celle qui me paraît le plus efficace, cas par cas.
Camille se fabrique un cadre contenant et rassurant. Mais dans tous vos romans, on perçoit une extrême importance du contenant, et plus concrètement, de la maison. Dans Spirales de femme un peu moins, mais la maison de La ceinture a une grande importance, de même que celle de Pot-pourri, sans parler de celle de Haute saison qui est au cœur même du propos. En même temps, la maison est toujours à la fois un contenant, et le lieu de tous les dangers. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Votre question m’intéresse beaucoup. A l’entendre, je me rends compte que, dans tous mes romans, la maison est un personnage à part entière. Or, c’est vrai, dans TOC, il n’y a pas vraiment d’intérieur/extérieur. Ce qui signifie qu’on n’a pas d’échappatoire (s’il y a un dedans et un dehors, d’où que vienne le danger, on peut espérer lui échapper en allant de l’autre côté). D’où l’atmosphère très angoissante de TOC, et la logique du personnage qui n’a pour seule alternative que de se construire un "cadre" mental, virtuel, subjectif. Camille est enfermée dans sa subjectivité. "La maison", pour moi, est ce qui délimiterait une "porte de sortie".
Certains personnages semblent hanter vos romans sans se manifester immédiatement. Je pense au "voyeur" de Haute saison. On attend l’agression pendant tout le roman, sans qu’elle se produise. C’est dans TOC qu’elle va se concrétiser. Tendez-vous volontairement un fil entre vos textes ?
Oui. Comme la plupart des auteurs, j’ai des obsessions, des thèmes récurrents. Il y a effectivement une sorte de "jeu de piste" d’un roman à l’autre. On y retrouve, discrètement, des personnages, des lieux ou des événements, vus sous un angle différent. L’ensemble fait un monde, mon monde, ou du moins mon monde d’auteur.
TOC représente un changement de lectorat par rapport à vos romans précédents. Changement de registre ou parenthèse ?
Il me semble que j’ai toujours écrit "à la marge" - ce qui explique que je suis difficile à classer, même dans le milieu éditorial. TOC, à l’origine, a été écrit pour un public jeune. Il était "à la marge" de ce qu’on pouvait dire à des adolescents de douze à quinze ans. C’est-à-dire : tout ne se finit pas bien, et ce que vit l’héroïne, vous avez le droit de le vivre aussi - c’est normal, la vie n’est pas noire ou blanche, on ne peut pas toujours positiver, même si c’est ce qu’on vous demande. Ce n’était pas "politiquement correct". Ça passe mieux en publication adulte, et je remercie Joëlle Losfeld de m’avoir donné l’opportunité de publier ce texte. Mais ce n’est ni un changement de registre, ni une parenthèse. Je reste un auteur qui met les pieds dans le plat. C’est ce que j’ai envie de continuer de faire. Comme tout le monde, j’ai à jongler avec le système, en l’espèce le système éditorial. Mon objectif est d’acquérir le maximum de liberté, pour continuer à publier des textes qui me tiennent à cœur, même s’ils sont provocateurs, dérangeants ou perclus d’ironie.
Propos recueillis à Paris le 7 février 2006
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