Le 17 janvier 2025
Walter Salles subjugue littéralement les spectateurs dans une fresque familiale vertigineuse qui dissèque avec force les ravages de vingt années de dictature militaire au Brésil.
- Réalisateur : Walter Salles
- Acteurs : Fernanda Torres, Fernanda Montenegro, Selton Mello, Valentina Herszage
- Genre : Drame, Thriller, Historique, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Français, Brésilien
- Distributeur : StudioCanal
- Durée : 2h15mn
- Titre original : Ainda Estou Aqui
- Date de sortie : 15 janvier 2025
- Festival : Festival de Venise 2024
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Résumé : Rio, 1971, sous la dictature militaire. La grande maison des Paiva, près de la plage, est un havre de vie, paroles partagées, jeux, rencontres. Jusqu’au jour où des hommes du régime viennent arrêter Rubens, le père de famille, qui disparaît sans laisser de traces. Son épouse Eunice et ses cinq enfants mèneront alors un combat acharné pour la recherche de la vérité...
Critique : Pour celles et ceux qui douteraient encore de la puissance destructrice des gouvernements radicaux, il faut se précipiter au cinéma pour découvrir le nouveau long-métrage de Walter Salles. Le talentueux réalisateur de Carnets de voyage ou Central do Brazil réitère un témoignage historique et dramatique de son propre pays qui a connu les ravages d’une dictature militaire entre 1964 et 1985. En même temps, le récit ne s’appuie pas sur une description socio-historique d’un état de son pays, mais repose sur la bataille que mène une mère de famille, Eunice Palva, pour retrouver son mari, un ancien député de gauche, qui disparaît du jour au lendemain dans les griffes de la police. Et c’est là tout l’intérêt et l’émerveillement de ce film, à savoir de donner la parole à une famille qui doit continuer à vivre malgré l’enlèvement tragique d’un père et époux, sans savoir s’il est mort sous la torture ou s’il pourrit dans une prison brésilienne. L’horreur de la dictature est d’autant plus vive qu’elle habite le quotidien d’une femme et ses cinq enfants qui doivent survivre malgré le harcèlement orchestré par le pouvoir militaire.
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Walter Salles réalise une œuvre très dense, écrite comme un avertissement au durcissement progressif des régimes politiques à travers le monde. Il ne produit pas pour autant une histoire aux résonances tragiques, mais montre les moteurs d’une humanité qui poursuit son chemin avec, parfois, des rencontres merveilleuses de personnes qui s’opposent à la tyrannie dans le silence. Je suis toujours là relate le parcours admirable d’Eunice Palva qui, à quarante-huit ans, a repris des études et, en dépit d’un traumatisme jamais vraiment éteint, s’est consacrée à la défense des populations indiennes de la forêt brésilienne. Le réalisateur ne cache pas le caractère résolument militant de son film. Pour autant, le fait de témoigner des ravages de la dictature à partir du quotidien fragile d’une famille rend les choses beaucoup plus fortes que la seule restitution d’images de militaires dans la rue. Le spectateur est en permanence étreint par ces scènes d’intérieur où se joue le drame d’une famille qui ne peut pas faire le deuil du père disparu et tente de se reconstruire malgré la mécanique de la dictature qui pèse sur le passage des jours.
Je suis toujours là demeure un film autant vertigineux que flamboyant. Le réalisateur refuse de succomber aux poncifs du mélodrame. Les personnages dégagent au contraire une très grande dignité et une ferveur, teintée d’espoir de retrouver un jour l’homme disparu. On sait dès la première séquence que le pouvoir brésilien, avec ses hélicoptères qui survolent la mer, recèle bien des secrets, quant aux disparitions douteuses des militants opposants au régime. Le récit plante d’ailleurs le décor dès le début avec cette scène terrifiante où l’on assiste à l’arrestation arbitraire de la fille aînée avec ses camarades, suspectés comme d’autres jeunes de participer à ce que le régime nomme comme du terrorisme. On ne s’ennuie jamais dans le huis clos de cette maison familiale où les jours, les minutes s’écoulent dans une tension impressionnante.
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Il faut saluer le travail de l’étalonnage qui permet au film de restituer le parcours d’Eunice Palva à travers trois époques qui s’écoulent entre 1971 et 2014 à Rio de Janeiro. Finalement, si la teinte de l’écran est différente, le fonctionnement politique ne semble pas s’améliorer et la cruauté de l’omerta perdure à travers les années. Il faut aussi noter le formidable travail des décors et accessoires qui témoignent certes d’un embourgeoisement de la société brésilienne, mais d’un état des choses qui peine à se modifier en profondeur.
Je suis toujours là bénéficie de l’étoffe d’un roman familial avec, au cœur du drame, le portrait magnifique d’une militante courageuse qui, au nom de l’éducation de ses enfants, poursuit un inlassable combat pour la justice et la protection de ses enfants. Le récit se transforme en un véritable plaidoyer féministe qui permet de comprendre que les démocraties évolueront non pas avec les hommes, mais la voix tant silencieuse que persévérante des femmes. Il suffit de penser à la lutte que mènent les jeunes femmes en Iran pour leur émancipation, au risque de la torture et de l’emprisonnement. Nous voilà devant un film écrit comme une forteresse au bénéfice de la liberté de pensée et d’agir dans le monde.
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