Une Provence de carte postale, pierres sèches et volets bleus, sera l’unité de lieu où vont se jouer des scènes de vie. Au fil des contrats de location, les vacanciers peuplent la maison de leur histoire, de leurs angoisses, de leurs doutes. Sur la lamelle du microscope, s’agite la nature humaine comme un matériau d’expérimentation, pris sur le vif de quelques jours de vacances, un temps arrêté sur des douleurs, des manques, des failles que le soleil ne comblera jamais.

On est un peu dans l’exercice de style, où le mas provençal se substitue au bus de Raymond Queneau. Le décor reste inchangé, comme les deux personnages récurrents, le jeune homme blond et "Mamie Nova". Les familles vont se succéder avec leurs exigences, leurs plaintes, leur bonheur aussi, d’un endroit neuf à investir, et peu à peu, la carapace se fendille laissant affleurer des douleurs refoulées, des illusions perdues. Le soleil devient noir, les avions strient le ciel de menaces, la piscine est le cloaque où se perdent les clés, où se noient les enfants, où se consomme la douleur de la chair.

Car si Nathalie Ours annonce ici des ambitions de légèreté, on sait déjà que son univers est tout autre, et que, derrière des apparences de désinvolture, ces parenthèses qui mettent le quotidien en suspens ne font que ramener à la surface ce de quoi chacun est fait et l’oisiveté ouvre une fenêtre sur soi-même. Pas de pathos, pourtant, de l’humour, souvent, et cette écriture désormais familière, qui effleure, observe, touche du bout du doigt sans jamais s’appesantir, mais qui dessine sûrement l’ombre discrète de la mort qui rôde.