Le 17 septembre 2024
Quasi testamentaire, le dernier film de Sophie Fillières au sens propre et figuré est magistralement porté par une Agnès Jaoui prête à tous les pas de côté pour donner vie à cette héroïne décalée, attachante et totalement disposée à vivre toujours plus et mieux. Une œuvre qui sonne comme un clap joyeux de fin.
- Réalisateur : Sophie Fillières
- Acteurs : Agnès Jaoui, Emmanuel Salinger, Valérie Donzelli, Isabelle Candelier, Agathe Bonitzer, Philippe Katerine, Laurent Capelluto, Maxence Tual, Édouard Sulpice, Angelina Woreth
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h38mn
- Date de sortie : 18 septembre 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Quinzaine des Cinéastes, Ouverture
Résumé : Barberie Bichette, qu’on appelle à son grand dam Barbie, a peut-être été belle, peut-être été aimée, peut-être été une bonne mère pour ses enfants, une collègue fiable, une grande amoureuse, oui peut-être… Aujourd’hui, c’est noir, c’est violent, c’est absurde et ça la terrifie : elle a cinq-cinq ans (autant dire soixante et bientôt plus !). C’était fatal mais comment faire avec soi-même, avec la mort, avec la vie en somme…
Critique : C’est toujours compliqué d’ouvrir la page d’un film quand son autrice vient récemment de succomber et que les deux enfants, Agathe et Adam Bonitzer, ont été contraints de le finir à sa place. D’autant que Ma vie ma gueule est une œuvre résolument personnelle où Sophie Fillières se met en scène à travers les traits d’Agnès Jaoui, dans un personnage décalé, moins fou que résolu à brouiller la réalité. L’héroïne s’appelle Barberie Bichette, ce qui lui confère le surnom de Barbie. En fait, elle n’a rien de la poupée Barbie portée sur les écrans en 2023 par la Présidente du Festival de Cannes de cette année : elle a dépassé la cinquantaine, est séparée, et tente de conjuguer son désarroi, sa solitude et son appréhension de la mort. Car Barbie ne cesse d’évoquer la fin prochaine, comme à la fois une épreuve à repousser le plus longtemps possible et à la fois un évènement proche. Drôle de coïncidence quand on sait que la réalisatrice a disparu l’été dernier d’une longue maladie, à cinquante-huit ans, après une œuvre originale, très personnelle et d’une grande portée narrative et ironique, et qu’elle confiait à sa fille, Agathe Bonitzer sur son lit d’hôpital, que c’était sans doute son plus grand film.
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Agnès Jaoui a été choisie à fort bon escient pour incarner ce personnage haut en couleurs. On l’a vue récemment dans les traits d’une femme bipolaire avec La vie de ma mère. Mieux que personne, la comédienne sait revêtir les traits de la folie douce, sans céder aux facilités du mélodrame ou du grotesque. Barbie confond les identités, se perd dans des souvenirs qui ne sont pas vraiment les siens, et hésite à mourir ou s’oublier dans des voyages improbables. Mais surtout, et grâce à l’actrice, elle sait rire d’elle-même, compose avec les critiques acerbes de sa fille qu’elle glane par hasard sur un banc dans le parc en face duquel elle vit, et tente de faire de sa vie quotidienne une opportunité à la joie et au cynisme.
Force est de constater que Ma vie ma gueule est un bon film, drôle, incisif et plein de tendresse et de fantaisie. La mise en scène est très épurée, permettant aux nombreux interprètes d’exprimer jusqu’au bout la complexité de leur personnage. Personne ne se prend vraiment au sérieux dans ce récit, à l’exception de la plus jeune fille de l’héroïne, ce qui se comprend vu son âge. Tous les autres ont appris à se détacher des drames de la vie, pour se recentrer sur l’essentiel et un instant présent plus ancré dans leurs existences. Sans doute que le poids des années facilite les prises de recul, la distanciation avec le réel et une certaine désinvolture. On ne cesse de s’interroger pendant le film si la réalisatrice ne force pas la nécessité de s’extraire de tout ce qui pourrait la glacer dans une identité sociale qui n’est pas la sienne. Évidemment, on pense au fameux adage d’Arthur Rimbaud "On n’est pas sérieux quand on a 17 ans", corrigé de l’âge de l’héroïne.
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Alors, il faut le reconnaître, toute la première partie qui se déroule à Paris est bien meilleure que la seconde où Barbie entreprend un voyage en Angleterre. Pour autant, l’humour des personnages, leurs comportements volontairement théâtraux tranchent avec une vision mélodramatique de la souffrance psychologique bien réelle que traverse Barbie. Il s’agit véritablement d’un film d’acteurs, conçu quasiment comme une succession de sketchs avec pour fil conducteur, la présence lumineuse d’Agnès Jaoui. On croise des psychiatres, des allumés de la drague, des adolescent : bref tout un petit monde qui constitue à sa manière la grande comédie humaine d’aujourd’hui. Les costumes eux-mêmes très travaillés colorent avec brio cette comédie douce amère qui marie avec grâce les décombres de la mélancolie et les soubresauts du bonheur.
Ma vie ma gueule est une œuvre décoiffante et vivifiante, particulièrement réservée à celles et ceux qui douteraient de leur capacité à être heureux. On ressort de cette aventure regonflé d’espoir, mais aussi avec un pincement de cœur pour Sophie Fillières qui nous a fait son dernier cadeau sur les écrans.
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