X&Y

Surtout, ne comptez pas sur Coldplay pour révolutionner la scène rock, hein ? N’est pas Radiohead qui veut, tout de même... Les rumeurs faisant état d’un virage électro et d’un album-hommage à Kraftwerk et au krautrock des années 70 allaient pourtant bon train il y a quelques semaines encore. Seuls un titre empruntant une boucle mélodique aux fameux Teutons (Talk) et la présence de Brian Eno derrière certains synthés (Low) viennent ainsi confirmer cette direction. Plus généralement, la présence de sonorités synthétiques et une plus grande densité des couches instrumentales penchent encore dans ce sens. Mais X&Y est surtout un prolongement maniaque et jusqu’au-boutiste du son puissant et sophistiqué de son prédécesseur A rush of blood to the head. Et lorsque la pop fuselée du quatuor est poussée ainsi à l’extrême par une technologie de studio ultime, elle devient imparable.

Certes, il faut accepter ce vernis ultra-protecteur qui renferme le nucléon des chansons fragiles de Coldplay pour les emmener vers des sphères futuristes surpuissantes. Mais une fois familiarisé à cet environnement, le bonheur est de taille : si l’on excepte une mise en bouche quelque peu décevante (les deux premiers morceaux ressemblant peu ou prou à une esquisse de ce qui va suivre), X&Y est un sans faute. Alternant de stupéfiantes compositions aux allures de pop progressive (White shadows, Talk, Low, Twisted logic) et des ballades aux climax grandioses (Fix you, A message, Swallowed in the sea), Coldplay prend avec ce disque la dimension que l’on attendait : il se hisse à la hauteur des prédicateurs pop qui envahissent les stades et domptent les plus grandes arènes. On pense parfois à U2, mais aussi à R.E.M. (The hardest part) et surtout à quelques groupes ayant connu leur heure de gloire au début des années 80 (Simple Minds, Ultravox...).

Et même si Chris Martin ne possède pas la plume que son extraordinaire voix mériterait (il est parfois difficile d’avaler certains clichés et autant de platitudes), il a l’intelligence de donner à l’ensemble de ses textes un contexte : sur fond de futur incertain et de crainte de l’espace (au sens géographique), il dresse un portrait lucide des rapports humains rendus paradoxalement compliqués par les moyens de communication modernes. Ainsi, le fond du propos renvoie-t-il à la forme, cette pop intense à taille humaine qui tente de se magnifier au sein d’une superproduction sonore ultramoderne. Et pour l’heure, elle y parvient parfaitement.