Le 27 mai 2019
Delphine de Vigan raconte sa mère à travers un récit profond et subtil.
- Auteur : Delphine de Vigan
- Editeur : Le livre de poche, Editions Jean-Claude Lattès
- Genre : Roman & fiction
- Date de sortie : 24 août 2011
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Résumé : "Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du verbe, et celui du silence." (Delphine de Vigan)
Copyright Le livre de Poche, 2013
Notre avis : Il faut avouer que parler de sa mère est un sujet galvaudé : beaucoup d’écrivains couchent sur le papier leurs sentiments à l’égard de leur maman. Comme si la mère, plus que le père, portait en elle tout le capital névrotique de l’enfant. Ainsi, cette figure, pourtant tutélaire, devient le bouc émissaire, à tort ou à raison, de ses enfants qui voient en elles une figure ambivalente, tantôt douce et aimante, tantôt glaciale et distante. Conter ou raconter son enfance, qu’elle soit heureuse ou pleine de névroses, semble être un passage obligé pour toute un courant dit "autobiographique" d’écrivains, mais bien souvent, plus que narrer leurs jeunes années, il s’agit pour ces auteurs de régler leur compte avec leur parents et plus encore avec la figure maternelle. Rien ne s’oppose à la nuit est un roman que l’on pourrait classer dans la catégorie de ces ouvrages à charge, qui pointe du doigt une mère défaillante. On pourrait aussi croire que c’est un roman dans lequel l’autrice s’épanche sur de longue pages à propos d’une enfance malheureuse, d’une mère absente et pourtant trop présente, trop pesante.
On pourrait faire dire beaucoup de choses à ce roman, avoir beaucoup d’a priori sur lui, craindre un pathos semi-larmoyant et faussement autobiographique.
Pourtant, très vite, Delphine de Vigan tord le cou à ces idées reçues et propose en réalité un récit d’une profondeur et d’une subtilité que seule une écriture pudique permet. De plus, loin d’être un roman autobiographique, c’est en réalité de la biographie d’une mère, de sa mère, Lucile dont il s’agit ici. Si l’autrice apparaît dans cet ouvrage c’est parce qu’elle en est malgré elle un des personnages principaux. Bien qu’il y ait quelques incursions de la première personne, elles sont là pour nous faire part des doutes et des craintes relatifs à l’écriture de cet ouvrage. Alors oui, la prétérition est assez fréquente chez les écrivains, mais quand on voit la thématique de cet ouvrage, on peut se dire que Delphine de Vigan ne joue pas : bien au contraire, elle se met à nu devant son lecteur. Elle choisit avant tout d’exposer sur le devant de la scène une mère, sa mère. Grâce à ses souvenirs d’enfance, grâce à l’aide de ses frères et sœurs, mais plus encore grâce aux écrits de Lucile, elle permet à cette figure maternelle de rejouer la pièce qu’a été sa vie.
Rejouer ? Oui, car à la différence de la première, cette fois Delphine de Vigan comprend et semble même pardonner à sa mère. Le champ lexical du théâtre est ici pertinent, car à la lecture de ce roman, le lecteur réalise à quel point sa vie est une véritable tragédie. De son enfance à sa mort, la vie de Lucile est une mauvaise farce, une tragédie au goût amer... L’autrice ne mâche d’ailleurs pas ses mots à l’égard de cette personnalité tantôt paranoïaque, tantôt hystérique, tantôt en hôpital psychiatrique.
Tout nous est absolument décrit dans ce texte : les crises ne nous sont pas épargnées, mais toujours racontées avec beaucoup de pudeur et paradoxalement de brutalité. Delphine De Vigan nous lance en pleine figure et avec beaucoup de violences les « passages à vide » de sa mère. Pendant quelques pages, le lecteur se retrouve confronté à la violence psychologique et à l’inconstance dans laquelle l’autrice et sa sœur ont passé une partie de leur enfance et de leur adolescence. Le lecteur suit Lucile dans cette vie cauchemardesque, labyrinthique qui est la sienne, de l’enfance jusqu’à la mort, plus qu’un parcours initiatique, la vie de Lucile.
Davantage qu’un roman biographique, c’est en réalité le roman de la réconciliation, celle d’une fille et de sa mère. Réconciliation qu’on pourrait juger tardive, car elle a lieu après la mort de Lucile, à la naissance de ce roman, mais semblait nécessaire à l’autrice, pour entamer son deuil.
Rien ne s’oppose à la nuit - Delphine de Vigan
Le Livre de Poche (2013)
408 pages
Initialement publié aux éditions Jean-Claude Lattès, en 2011
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