Le 9 février 2020
En jouant avec le réel et le fictif, Fabrice Humbert critique brillamment notre monde et ses travers, notre monde qui se délite, se fissure peu à peu...
- Auteur : Fabrice Humbert
- Collection : Blanche
- Editeur : Gallimard
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 3 janvier 2020
- Festival : Rentrée littéraire 2020
Résumé : « Autrefois, j’avais un ami. Je l’ai rencontré il y a bien longtemps, par un jour d’hiver, sautant de sa voiture et grimpant quatre à quatre les marches du lycée Franklin. C’est le souvenir le plus vivace que j’aie de lui, une impression inégalable d’éclat et de beauté - les couleurs scintillantes d’une époque où toutes mes sensations étaient brutales. Figé sur les marches, rempli d’admiration et de honte, j’étais égaré dans ma condition de « nouveau », égaré en moi-même. Il m’a sauvé - des autres, de ma propre jeunesse. Des années plus tard, alors que cet homme était devenu une image détestée, j’ai tenté de le sauver. J’aurais aimé qu’on sache qui il était vraiment. » Lorsque Adam Vollmann, journaliste au New Yorker, voit s’afficher un soir sur les écrans de Times Square le portrait d’un homme recherché de tous, il le reconnaît aussitôt : il s’agit d’Ethan Shaw. Le bel Ethan, qui vingt ans auparavant était la star du lycée et son seul ami, est accusé d’avoir violé et tué une jeune Mexicaine. Refusant de croire à sa culpabilité, Adam retourne à Drysden, où ils se sont connus, pour mener l’enquête. Il comprendra bientôt que cette affaire dépasse tout ce qu’il pouvait imaginer... Le monde n’existe pas, roman au suspense haletant et réflexion virtuose sur la puissance du récit, interroge jusqu’au vertige une société aveuglée par le mensonge, où réalité et fiction ne font qu’un.
Notre avis : Le monde n’existe pas, ou comme une litanie répétée par le héros, encore et encore, alors que les miroirs se brisent, que le réel semble apparaître, comme à portée de main, avant de se dissoudre à nouveau, devenant aussi fuyant que de la vapeur d’eau qui s’évapore dans l’air.
Ethan Shaw est innocent – de cela, Adam Vollman en est sûr. Il le connaît, l’a connu. C’est son amour de jeunesse qui, depuis, n’a jamais vraiment quitté son esprit. Alors quand il voit sa silhouette grandeur nature apparaître sur les écrans de Times Square, il décide de se lancer dans cette chasse à l’homme. Son statut de journaliste le rend légitime, d’autant plus qu’il a vécu à Drysden, ville fictive et genèse de tout, de son martyre en tant qu’adolescent et de ce martyre renouvelé, une fois adulte, alors que son idole est accusée de viol et de meurtre. Son rédacteur en chef accepte, bien que dubitatif, ce besoin de se rendre lui-même sur les lieux du crime, de comprendre – ou pas. Adam mène l’enquête, se perd dans les rues, devant les portes et dans les boutiques, il s’approche d’une issue, avant de se rendre compte que ce n’est qu’un mirage et que la porte n’existe pas et cela durant tout le roman.
Fabrice Humbert se débat avec la fiction et la réalité, tente d’amener son lecteur à prendre conscience du monde dans lequel il vit, comme il l’avait fait avec Avant la chute (2012), racontant alors le monde qui se délite. Notre monde n’existe pas, n’existe plus. Dans cette hallucination, nous nous gavons d’images, perpétuellement, de scenarii plus ou moins fondés sur des faits réels, de photographies truquées, de pages et de pages de faits divers, qui ne rendent qu’encore plus fuyante et friable la réalité tangible. Tout se confond, tout se mélange dans un jeu de miroirs, de mise en abîme et de jeu de rôle grandeur nature, qui pourraient bien perdre Adam. Même son identité n’est que construction : son nom est emprunté, il a changé de peau en même temps qu’il a quitté Drysden et ses souvenirs si blessants, cette adolescence de cauchemar.
Les phrases sont courtes et vont droit au but. Sujet, verbe, complément. Et digressions. Celles-ci rendent légitime cette histoire chimérique et véritable à la fois, tout en égarant parfois le lecteur. Entre polar et dystopie dangereusement plausible, ce roman est redoutablement séduisant et addictif, il remet en question notre monde, les média et la vérité, le gouvernement, les mensonges. Et si nous ne pouvions plus nous fier à aucun de nos sens et à aucune évidence ?
Admirable.
Fabrice Humbert - Le monde n’existe pas
Gallimard
248 Pages
21 cm x 14 cm
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Kirzy 14 février 2021
Le monde n’existe pas - la critique du livre
Cela démarre par des pages limpides et lumineuses emplies de mélancolie et de sensualité. Celle du narrateur qui se remémore son adolescence difficile, traversée par l’aura d’un être solaire qui sera son seul ami, son premier amour ( platonique ) aussi : Ethan, star du lycée, sportif accompli, beau et blond comme Redford dans Nos plus belles années.
C’est cet être parfait qui est accusé vingt ans plus tard d’avoir violé et tué une jeune fille de 16 ans. Inconcevable pour le narrateur , devenu journaliste, qui part enquêter au fin fond du Colorado, à Drysden pour prouver l’innocence d’Ethan. S’en suis une première partie, à énigme, classique mais avec une tonalité douce et étrange qui flotte au fil des pages.
Petit à petit se révèle une petite ville métaphore de l’Amérique profonde qui voue un culte à la virilité, à la norme, aux apparences, qui hait les déviants, les différents, au point de légitimer la violence. Petit à petit, se révèle le passé du narrateur, un passé qui remonte, empreint de souffrances et douleurs, et qui forcément biaise la recherche de vérité.
A mi-chemin, Fabrice Humbert fait basculer l’enquête vers une quasi dystopie ultra réaliste. le récit se complexifie, frise par moment l’hermétisme car il devient de plus en plus en exigeant qui sollicite l’intelligence du lecteur et sa capacité à réfléchir de façon large sur notre société. Et si Ethan et sa victime supposée n’étaient que des personnages ? Et si nous nous nous étions changés tous en personnages ? Des personnages de fiction à l’ère de la dématérialisation accélérée derrière nos écrans.
L’auteur s’interroge sur la vérité, sur l’identité à notre époque pourrie par les fake news et l’omniprésence des réseaux sociaux. Pas un hasard si le roman s’ouvre sur les écrans géants de Times Square qui renvoient l’image du supposé criminel en fuite.
Ce changement de braquet du récit est passionnant, l’auteur développant sa thèse à coup de références intelligemment disséminées ( Hitchcock, Hewingway, Welles, Garcia Marquez )
C’est aussi très déstabilisant aussi car on perd le fil de l’enquête avec une mise en abyme qui en devient vertigineuse, avec des décalages de plus en plus décalés. Les bots qui envoient des messages, les fermes de clics, les logiciels de retouche indétectables ... et si la jeune fille américaine assassinée n’existait même pas ? Est-on coupable de quelque chose qui ne s’est pas passé ? Le dénouement, abrupt, m’a laissé, tout de même, un goût d’inachevé. J’avais sans doute envie, très scolairement, de mieux comprendre. Je n’ai pas tout compris. Il faudra que je m’y plonge à nouveau. Le matériau littéraire est riche et le mérite/
J’ai donc refermé le livre avec beaucoup plus de questionnements que de réponses, et je pense que c’était le but de l’auteur que de nous livrer ainsi un roman exigeant, éminemment contemporain, prenant sans cesse le lecteur à contrepied, incapable de démêler le vrai du faux jusqu’à la paranoïa. le titre prend tout son sens dans cette réflexion pertinente sur l’illusion de nos vies.
jakez 25 février 2021
Le monde n’existe pas - la critique du livre
Bon pour faire court ce livre a l air très chiant.....