Son cinéma, entre muet et parlant, a marqué le XXe siècle. Et le XXIe ne risque pas de l’oublier.
"La place de Charlie Chaplin dans l’histoire du siècle est unique. Il a été l’idole de cette nouvelle religion, le cinéma, qui en fabrique de si nombreuses mais parfois en fer blanc. Avec ce furtif éclair de malice dans son œil bleu, avec cette étrange dégaine, il a été l’ami de tous les enfants, le frère de tous les réprouvés, le copain de tous les paumés, le soupirant éconduit de toutes les jeunes filles... Charlot, quoi !" L’hommage est de Françoise Giroud [1], et l’on ne saurait mieux dire. Ne reste plus qu’à donner quelques faits.
Né à Londres en 1889 de parents artistes qui se séparent avant ses trois ans, Charles Spencer Chaplin passe son enfance dans une grande pauvreté. Il intègre une troupe d’enfants danseurs de claquettes à l’âge de dix ans, puis rejoint la compagnie de Fred Karno jusqu’à ce qu’en 1913, en tournée aux Etats-Unis, son destin bascule : le grand Mack Sennett le remarque et le fait engager à Hollywood. En une année à peine, Charlot est né, et avec lui une gloire immédiate. En 1918, Chaplin crée son studio, et l’année suivante, la United Artists avec ses amis Douglas Fairbanks, Mary Pickford et D. W. Griffith. Les chefs-d’œuvre se suivent (The kid, La ruée vers l’or), mais le cinéma change : le parlant débarque en 1927 avec Le chanteur de jazz. Chaplin s’y mettra, non sans résister. Il ne fait entendre sa voix qu’en 1936, avec Les temps modernes, et encore : il s’exprime en chantant et dans un charabia incompréhensible.
Le film est un succès, mais l’artiste n’a désormais plus le choix, et son film suivant sera son premier parlant : Le dictateur. "S’il a mis davantage de temps que d’autres cinéastes à s’adapter, notera François Truffaut [2], c’est qu’il avait la responsabilité supplémentaire de s’exposer lui-même sur l’écran et que le pas à franchir était immense, son expression artistique ayant trouvé dans le muet sa forme parfaite."
Le cinéma de Chaplin ne perd rien de sa force pour autant, et même avec un sujet grave comme celui du Dictateur, l’ancien prince du burlesque (Buster Keaton en est le roi à jamais) parvient toujours à faire rire. Sa voix, elle, se révèle porteuse d’une immense émotion, comme dans ce disours final plein d’espoir. Chaplin tournera encore trois films, Un roi à New York, en 1957, étant son dernier. Le réalisateur habitait alors depuis cinq ans en Suisse, lassé des attaques d’une certaine droite américaine qui appréciait peu son discours humaniste. Car si Charlot a fait rire, Chaplin s’est également fait le témoin d’époques meurtries. "En revoyant Les temps modernes, on se dit aussi que c’est l’un des plus grands documentaires sur l’époque, relèvent ainsi les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne [3]. La puissance de la fiction chez Chaplin, c’est de rendre compte de la violence sociale. La violence de la vie. La vraie violence." A Corsier-sur-Vevey, la fin de la vie de Chaplin, elle, est plus douce : il rédige deux autobiographies, écrit encore des scénarios et de nouvelles partitions musicales pour ses anciens films muets, puis s’éteint dans la nuit de Noël 1977.
Filmographie
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