La comtesse de Hong Kong - la critique du film + le test Blu-ray

Critique : Dernier film et premier en couleurs de Chaplin, La comtesse de Hong Kong a été un flop aux États-Unis et fut plutôt mal reçu ailleurs. Malgré quelques critiques élogieuses, beaucoup ont vu un radotage dans cette comédie d’un autre âge, engoncée dans l’immobilisme du quasi huis clos. Et il est vrai qu’on n’y dénichera ni invention technique ni gag délirant ; par ailleurs, la simplicité de l’intrigue et sa prévisibilité n’assurent pas non plus un spectacle captivant.
C’est que le projet de Chaplin est tout autre. Dès le carton initial, dès les premières répliques, il place son film sous le signe du muet, époque qu’il a toujours regrettée : la mise en scène statique, le jeu raide des acteurs, les écarquillements d’yeux, les situations étirées (voir la séquence, au bar, où il s’agit de se débarrasser d’un gêneur, ou bien celle du coucher de Hudson) renvoient directement à ce temps. Comme si le cinéaste refusait toute concession au contemporain pour s’offrir un dernier bain de « vrai cinéma », une parenthèse dans un art devenu étranger. Mais, loin de camoufler ses intentions, il les dévoile dans le rejet constant des ornements : s’il allonge chaque situation, comme dans les scènes répétitives de portes qui claquent et de sonneries qui font sursauter, c’est pour les désosser, en épuiser les possibilités. De cette mise à nu découle un sentiment curieux, celle de voir un film décalé, bancal, et bigrement intéressant.

On se réjouit également des piques que Chaplin distribue, réglant ses comptes avec les Américains qui « aiment tout le monde sauf les communistes », ou trouvent le silence « effrayant », des êtres superficiels au vernis de culture, que représente ici une jeune sotte citant à tout propos son père. Pour le reste, l’intrigue squelettique ne l’intéresse qu’en tant qu’elle lui permet de célébrer la beauté de Sophia Loren (véritable double qui enfile des vêtements trop larges), vivace et mutine (il faut dire qu’il avait écrit le rôle pour Paulette Goddard), dans laquelle on retrouve l’appétit de vivre qui caractérise ses plus belles héroïnes : elle est du côté de la nourriture, du sentiment, et y convertit comme on s’y attend le pataud Brando, malade et verbeux. Ultime leçon d’un maître qui, n’ayant plus rien à prouver, simplifie son discours en une œuvre profondément élégante et, à la fin, avec les gros plans de Loren en larmes ou de Brando mutique et fermé, d’une émotion très dense, sans effets inutiles. Du grand art.

Les suppléments :
On retrouve Jean-Pierre Dionnet à deux reprises, dans un essai personnel sur Brando disponible déjà sur le Blu-ray La nuit du lendemain, et dans une introduction au film (12mn30) où il multiplie les informations sur le film et les artistes, trouvant des mots justes pour le qualifier (« dessiccation, hors du temps »). S’y ajoutent la bande-annonce et une galerie photos.

L’image :
Débarrassée de quasiment tout défaut, la copie redonne leur lustre aux couleurs et leur netteté aux détails. Sans gommer l’âge du film, elle en rend la vision très agréable.

Le son :
Bien sûr, c’est du mono et le manque de finesse se fait parfois sentir, notamment dans les moments orchestraux ; mais l’essentiel est là : la clarté des dialogues, sans parasites ni bruit de fond, suffit à notre bonheur. La VF pour ce genre d’œuvre est un quasi non-sens.