Le rire au service de l’humanisme
Le 19 décembre 2020
Le plus grand succès commercial de Chaplin est un chef-d’œuvre de comédie satirique et de dénonciation politique. Incontournable.
- Réalisateur : Charles Chaplin
- Acteurs : Paulette Goddard, Charles Chaplin, Henry Daniell, Reginald Gardiner, Maurice Moscovitch, Chester Conklin, Jack Oakie
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Diaphana Distribution, MK2 Distribution
- Durée : 2h06mn
- Date télé : 30 décembre 2021 22:50
- Chaîne : Arte
- Titre original : The Great Dictator
- Date de sortie : 1er avril 1945
- Festival : Festival de Cannes 2016
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– Année de production : 1940
Critique : Après la critique du tayloro-fordisme déployée dans Les temps modernes (1936), Chaplin décida de s’attaquer pas moins qu’au nazisme et à Hitler avec ce chef-d’œuvre de comédie satirique. Si les studios hollywoodiens furent au départ réticents à produire le film, du fait que les États-Unis n’étaient pas encore en guerre, le projet de tournage inquiéta les Allemands au point que Hitler fit pression pour l’interrompre. Dès sa sortie, il conquit l’opinion publique américaine mais fut interdit dans beaucoup de pays. La force du Dictateur est d’assumer frontalement sa critique du pire régime totalitaire de son temps, tout en misant sur le rire et l’humour, avec cette finesse et cette grandeur de regard qui ont toujours caractérisé le cinéma de Chaplin. Si Hynkel et Benzino Napoleoni (Jack Oakie) sont explicitement inspirés du Führer et de Mussollini, il en est de même pour les personnages de Garbitsch (Henry Daniells), clone de Goebbels, ou du maréchal Herring (Billy Gilbert), double de Hermann Göring. Le ridicule avec lequel ces hommes sont dépeints (désopilantes séquences du retrait des médailles ou des bains de foule) n’empêche pas Chaplin d’évoquer sur un mode plus sombre les atrocités, dont les tueries dans les ghettos juifs. Mais même ces passages n’échappent pas à la comédie : les tonalités burlesques ne sont jamais un moyen de détournement du spectateur ou une volonté de minimiser l’horreur par des digressions comiques. Car le rire est au service d’une vision humaniste contournant le pathos, le cinéaste préférant ne jouer sur l’émotion (réelle) que de façon furtive (le beau dénouement avec les larmes de Paulette Goddard).
On appréciera aussi la vision prémonitoire de Chaplin, filmant sans détour un camp de concentration ou montrant Hynkel jouant avec un globe terrestre transformé en ballon plastique, avant que celui-ci n’explose... Visuellement, le film est splendide et le traitement de certains gags révèle l’influence manifeste de l’art du muet (le retournement de l’avion, le repas avec les pièces de monnaie), d’autant plus que le barbier pourrait être un lointain cousin de Charlot. Ce personnage est d’ailleurs assez complexe. S’il sauve avec héroïsme le commandant Schutz (Reginald Gardiner), il montrera moins de bravoure lorsqu’il s’agit de se sacrifier, Chaplin ne cherchant nullement à donner une image parfaite et idéalisée de son double à l’écran. On est loin d’un certain cinéma de la résistance, qui se développera après-guerre, privilégiant parfois une vision angélique et grandiloquente de la lutte contre le nazisme. Si Chaplin est indiscutablement l’auteur complet de son film (coproduction, réalisation, scénario, double interprétation, musique), il est important de souligner la qualité de son équipe technique. De la photo de Karl Struss et Harold Rice au montage de Willard Nico, ses collaborateurs sont au diapason. Et l’on ne peut que louer les seconds rôles souvent pittoresques, à l’image Grace Hayle en Madame Napoleoni, ou Chester Conklin dans la célèbre scène du rasage musical...
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