Les feux de la rampe - Charles Chaplin - critique

Critique : Les feux de la rampe aurait pu être le dernier film de Charles Chaplin. Le réalisateur en a encore tourné deux ensuite, en Europe, mais Limelight, sorti en 1952, sonne comme son testament. "À la fin, ce n’est pas Cravero qui est en train de mourir, mais Chaplin", remarque Bernardo Bertolucci dans l’un des suppléments d’un double DVD des éditions MK2, toujours aussi réussi (introduction de David Robinson, documentaire Chaplin aujourd’hui restituant le contexte difficile du film, mise en valeur de l’apport musical dans Les feux de la rampe, extrait du roman "de travail" de Chaplin Footlights, court métrage inachevé dont l’idée est reprise pour l’un des numéros de Cravero, extraits de films de famille du réalisateur, scènes coupées, photos, etc.).

Triple testament même que ce film. Celui d’un clown, Cravero, dont le nom suffisait jadis pour remplir les salles, et qui doit aujourd’hui en changer pour décrocher de petits contrats. Celui d’un réalisateur, Chaplin, blessé par l’échec public de son film précédent, un Monsieur Verdoux loin du temps de Cravero et Charlot. Celui d’un homme enfin, qui reconstitue en studio le Londres de son enfance et fait jouer sa famille pour travailler dans la douceur. Car l’époque était rude pour Chaplin, victime plus que jamais de l’anticommunisme aux États-Unis. La première de Limelight aura d’ailleurs lieu à Londres, où l’artiste sera fêté en héros national.

En grande partie autobiographique (le personnage de la jeune danseuse que sauve Cravero est notamment inspiré par sa mère Hannah et son premier amour), le film porte en lui une profonde tristesse, mais une grande tendresse aussi. Chaplin émeut, tire les larmes, s’étale un peu, en rajoute trop par moments dans les sanglots et la morale, fait rire aussi, comme Cravero qui revit le temps d’une soirée de gala dans laquelle il laissera son cœur fatigué. L’acteur qui joue son partenaire ce soir-là a lui aussi été roi et son nom a également disparu des affiches : Buster Keaton. Pas de doute, Les feux de la rampe est bien, comme le souligne Bertolucci, "la recherche du temps perdu de Charles Chaplin".