L’opinion publique - la critique du film

Notre avis : Dans un petit village français, enfermée par son père, Marie (Edna Purviance) s’échappe par la fenêtre pour retrouver son amoureux Jean (Carl Miller). Au moment de rentrer, elle trouve porte close. Jean tente de raisonner le père de Marie, mais celui-ci choisit de la chasser. Jean essaie de convaincre ses parents d’offrir le gîte à Marie. Son père refuse. Ils décident de quitter le village par le train.
Délaissant le burlesque, Charlie Chaplin, célébrissime Charlot à cette époque, entreprend de tourner un drame sans y apparaître. Le film déconcerta tant le public que le long métrage fut un échec total. Pourtant, L’opinion publique est d’une incroyable maîtrise et d’une modernité qui frappe encore aujourd’hui. Le récit de cet amour, contrarié par les conventions, est mis en scène avec une sobriété qui était peu en vogue dans le cinéma muet. L’interprétation est à l’avenant : naturelle et sans effet de manches. Le metteur en scène fait preuve d’une grande inventivité dans sa réalisation : jeu d’ombres, événements hors champ qu’il nous laisse deviner, effets de lumières sophistiqués, comme dans cette soirée débridée, où une femme est "déguisée" en momie, sertie d’un tissu d’un blanc immaculé.
Dans une autre séquence - une scène de massage -, le cinéaste nous fait comprendre la situation par le regard de la masseuse étrangère aux événements, mais qui va évoluer au fur et à mesure des échanges entre Marie et sa patiente, ainsi que deux amies venues lui rendre visite.
Même si l’histoire est assez banale, voire convenue, les personnages sont complexes et étoffés : Marie, bien que pudiquement décrite une fois qu’elle est arrivée à Paris, s’avère tout de même une femme de petite vertu ; Pierre (Adolphe Menjou), aussi sympathique soit-il, n’est qu’un riche noceur désœuvré, qui papillonne d’une femme à une autre, sans aucun scrupule. Quant à Jean, il choisira d’écouter sa mère trop longtemps, au risque de se perdre.
Qui sait comment aurait évolué l’œuvre de Charles Chaplin, si ce film avait connu le succès qu’il aurait largement mérité ?
Quoi qu’il en soit, l’artiste endossa à nouveau le costume de Charlot pour son long métrage suivant La ruée vers l’or ("The gold rush") sorti en 1925, et retrouva le chemin du succès habituel.