France-Turquie : le sport, rien que le sport

Avis : Match très important au Stade de France, ce soir. France-Turquie oppose les deux premiers du groupe H pour la qualification à l’Euro 2020. La partie se déroulera dans un contexte géopolitique tendu, qui justifie le déploiement de moyens supplémentaires, pour assurer la sécurité dans le stade et aux abords. Si les joueurs et le staff de l’équipe de France se refusent à évoquer la situation, après l’offensive menée contre les Kurdes dans le nord-est de la Syrie, les footballeurs turques n’ont pas hésité à effectuer un salut militaire, après le but marqué contre l’Albanie, afin de marquer leur soutien à cette intervention. Ce geste fera d’ailleurs l’objet d’un examen par l’UEFA, puisqu’il contrevient à la neutralité requise par le règlement de l’instance ("pas de référence à la politique et à la religion").
Maintenant, il faut être bien naïf pour croire que le sport serait une enclave neutre absolument imperméable à l’actualité politique : sa popularité, sa visibilité en ont fait la vitrine d’un certain nombre de revendications et l’on pourrait multiplier les exemples où un événement d’ampleur mondiale a été récupéré comme tribune : ainsi, tout le monde se rappelle, lors des Jeux Olympiques de Mexico en 1968, le geste de Smith et Carlos, poings gantés, baissant la tête sur le podium, lorsque l’hymne américain retentit, pour protester contre la ségrégation raciale. Dans le football, la Coupe du Monde, compétition majeure s’il en est, a aussi été le vecteur d’enjeux politiques : la dictature de Videla s’accommoda tout à fait du résultat d’Argentine-Pérou, lors de la Coupe du Monde 1978, qui permit à l’équipe locale, au terme d’une partie pour le moins curieuse - si l’on est porté sur l’euphémisme - de jouer la finale de "sa" compétition. Et on ne se souvient pas que les joueurs de Michel Hidalgo, qualifiés pour ce même Mondial, aient boycotté cette compétition qui, grâce à la victoire finale des équipiers de Mario Kempes, à quelques mètres des prisons où l’on torturait des opposants politiques, offrit l’occasion au despote de plastronner.
Ce soir, en tout cas, l’équipe de France jouera son match qu’elle gagnera, on l’espère, ce qui la qualifierait directement pour l’Euro 2020. On est sûr qu’en dehors du sport, tous les gens qui graviteront sur la pelouse ou à proximité fermeront les yeux sur le sort qui est réservé aux Kurdes. La fête ne doit surtout pas être gâchée. Le sport est neutre quand ça l’arrange. Et le bruit assourdissant d’une fanfare qui doit, selon le président de la FFF, couvrir les éventuels sifflets des supporters turques, aura véritablement une dimension symbolique.