Le 20 mai 2016
Plus qu’un film, un irremplaçable témoignage sur ce qu’a été 1936.
- Réalisateurs : Jean Renoir - Henri Cartier-Bresson - Jacques Becker - Jean-Paul Le Chanois - Paul Vaillant-Couturier - Marc Maurette - Jacques B. Brunius - Maurice Lime
- Acteurs : Gaston Modot, Émile Drain, Jean Dasté, Muse Dalbray, Jean Renoir, Max Dalban, Roger Blin, Sylvain Itkine, Gabrielle Fontan, Madeleine Sologne
- Genre : Documentaire, Historique, Politique, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Tamasa Distribution , Ciné-Archives
- Durée : 1h06mn
- Date de sortie : 8 juin 2016
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– Année de production : 1936
L’argument : Après un bref prologue, où l’on voit un instituteur énumérer à des écoliers médusés toutes les richesses de la France, le récit se déploie en trois épisodes :
– Dans une usine, un vieil ouvrier, condamné par le "chrono", est menacé de licenciement quand ses camarades se mobilisent et font grève jusqu’à obtenir son maintien.
– À la campagne, une famille de fermiers, ruinée, voit ses biens saisis et sur le point d’être dispersés aux enchères, quand un neveu aidé de quelques amis perturbe le déroulement de la vente et la détourne au profit de la famille elle-même.
– Un jeune ingénieur fraîchement diplômé s’use jour après jour à chercher du travail sans succès.
La vie appartient à ceux qui luttent et s’unissent et le film se termine en apothéose, avec chants et défilés.
Critique : La vie est à nous est d’abord un film de commande, réalisé à l’initiative du Parti communiste par une « équipe », et supervisé par Jean Renoir (qui reconnut plus tard que son rôle avait été secondaire) dans la perspective des élections de 1936 et de la victoire du Front populaire. Jamais présenté à la censure, il ne bénéficia que d’une diffusion limitée dans les réunions communistes. On tient là l’explication de la durée inhabituelle et du manque de nuances de cette œuvre singulière, mélange audacieux de documentaire et de fiction.
Le début présente par la voix d’un instituteur les richesses de la France que des images illustrent assez platement. Mais, dès les élèves sortis, une remarque du maître (« pauvres gosses ») puis les commentaires des enfants eux-mêmes aboutissent à la dénonciation des « 200 familles » qui accaparent les profits et exploitent les ouvriers.
S’ensuit un détour par le milieu des riches, mondains ou patrons, dont les discours convenus sur les licenciements « obligatoires » et les intérêts des actionnaires restent d’une actualité évidente. Le film les associe aux fascistes grâce à un montage soigné : un groupe frivole s’entraîne à tirer sur un mannequin coiffé d’une casquette, suivi d’un groupe de fascistes qui se livre à la même occupation. La simple succession met en lumière la collusion des deux ennemis. De même, un effet simple mais efficace (le discours de Hitler remplacé par des aboiements) tente de ruiner par l’ironie la peur qu’il suscite ; on n’est pas très loin de ce que fera génialement Chaplin dans Le dictateur. L’association avec des images de guerre et de cadavres dit assez l’angoisse de l’époque, mais aussi la lucidité du film.
Jusque-là théorique, La vie est à nous aligne ensuite trois histoires qui montrent des situations dramatiques : trois mondes (paysans, ouvriers, cadres) confrontés à la dureté de l’époque (chômage, ruine, mévente). À chaque fois, c’est le PC qui sauve des personnages à peine esquissés, au milieu de chants et d’une solidarité affichée. Sans emphase, mais sans nuances, les narrations s’enchaînent en désignant clairement les « méchants » (patrons et petits chefs, huissiers) : si les histoires sont parfois touchantes, c’est qu’elles évoquent en peu d’images des drames simples et évidemment plausibles. Certes, le dénouement engagé ne fait pas dans la finesse, mais les acteurs défendent avec retenue des rôles émouvants et soigneusement inscrit dans la réalité (voir par exemple les gestes précis des ouvriers). Un récit cadre, la lecture de lettres adressées au directeur de L’Humanité, Marcel Cachin, assure l’unité des trois histoires en leur conférant une plus grande vraisemblance.
La fin, succession de discours et de mouvements de foule, échoue à trouver un ton lyrique et repose sur une répétition assez lassante, malgré la belle idée de faire réapparaître les personnages des épisodes fictifs. Les orateurs se suivent et l’on frémit par moments en entendant les louanges de Staline ; mais là encore, on trouve des échos avec notre monde contemporain : si l’on ôte l’emphase de l’époque, nombre de phrases pourraient être prononcées aujourd’hui (on peut même s’amuser, par exemple, de l’emploi de l’anaphore…).
En complément de programme, un court-métrage collectif de 12 minutes, Grèves d’occupations raconte sur un mode festif les grandes grèves de juin 1936 : entre danses, jeux et sports, le monde ouvrier tient jusqu’à la victoire (les 40 heures et les congés payés, entre autres). Quelques images amusent, mais elles sont surtout le témoin d’une époque inouïe, celle d’une espérance folle dont on sait hélas ce qui l’a suivie.
Au total, ces deux films ont évidemment un intérêt historique ; ils disent 1936, ses attentes, sa mentalité. On ne retrouvera certes pas le génie de Renoir dans le premier, mais même du point de vue cinématographique, il y a assez de trouvailles pour intéresser, sinon passionner ; reste que notre regard rétrospectif donne un charme et une émotion neufs à ces images fascinantes.
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