Le 8 février 2021
Un film à thèse qui évite la lourdeur démonstrative et s’avère attachant.
- Réalisateur : Jean-Paul Le Chanois
- Acteurs : Jean Gabin, Antoine Balpêtré, Nicole Courcel, Silvia Monfort, Orane Demazis, Henri Arius, Marie Mergey
- Genre : Drame, Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Cocinor
- Editeur vidéo : TF1 Vidéo
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 8 février 2021 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 3 avril 1957
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Résumé : Le docteur Laurent est un nouveau venu dans un village de l’arrière-pays des Alpes-Maritimes. Il y remplace le vieux docteur Bastide et fait la connaissance de plusieurs patients dont Francine qui est enceinte...
Critique : Avouons-le, un film à thèse sur l’accouchement sans douleur réalisé par Jean-Paul Le Chanois, soit l’une des têtes de Turc de la Nouvelle Vague, on ne peut pas dire qu’on se précipite. Et puis, dès les premières images, cette arrivée nocturne du docteur dans un petit village provençal, ce groupe entassé qui accumule les cancans, cette photo soignée en un noir et blanc somptueux (elle est signée Henri Alekan), on est prêt à réévaluer son jugement.
Quand Laurent arrive, le village est troublé par les hurlements d’une femme, la très guindée Silvia Monfort en train d’accoucher. À la fin, il aura démontré, cette fois avec Nicole Courcel, que la douleur peut être supprimée (jusqu’au sourire béat …). Autrement dit, le film s’attache à expliquer la théorie qui fait passer de l’un à l’autre. Incidemment, on note que le second accouchement est filmé « réellement », ce qui même aujourd’hui laisse coi. Ainsi donc, pendant plus d’une heure et demie, ce bon docteur Laurent tente de convaincre de l’absurdité de la douleur, d’abord une assemblée dispersée puis la majorité des femmes, les hommes n’ayant pas le beau rôle. Cela ne va pas sans simplisme manichéen ni raccourcis ; le retournement de quasiment tous les villageois est un peu forcé, à la limite de la niaiserie. Ainsi de la sage-femme virulente qui, embarquée avec toutes les femmes, se range à leur côté ; ainsi des professeurs dubitatifs qui arborent un sourire extatique face à la naissance, eux qui étaient sur le point de rayer Laurent de l’ordre des médecins. Difficile de ne pas être agacé par tant de bons sentiments.
Pourtant le film ne manque pas d’atouts : Gabin impose sa stature avec une retenue très moderne et finit par devenir crédible, et même au-delà du crédible. Il gomme ses tics, adoucit son jeu, et livre une performance impressionnante. Mais c’est aussi dans la description du village que Le Chanois excelle : en quelques images il parvient à recréer l’atmosphère d’enfermement dans lequel chacun observe l’autre. L’enfermement, c’est également celui du langage : entre métaphores animales, dictons et sagesse traditionnelle (« laisser faire la nature »…), il impose un monde clos sur lui-même, prisonnier de croyances aliénantes. Le fait que tout le monde parle de la même manière est à la fois gênant et représentatif de ce repli sur soi.
Pourtant ce qui sidère le plus dans la vision de la France paysanne des années 50, c’est l’extraordinaire féminisme du film : Nicole Courcel incarne une fille-mère qui non seulement se fait accepter de tous, mais va jusqu’à rejeter le père qu’elle trouve faible. De même les femmes font-elles très vite corps, refusant qu’on décide pour elles. Inutile de dire que ces passages ont dû secouer les spectateurs de l’époque.
Alors oui, le message est un peu lourd, les obstacles trop vite franchis, les dialogues parfois poussifs. Mais le film témoigne d’une foi dans le progrès, dans la science et dans le cinéma comme vecteur de changement qui, loin du cynisme de notre époque, a quelque chose de rafraîchissant et même de revigorant. On conseille vivement de s’offrir le luxe de ce métrage bancal mais sincère et généreux, foncièrement optimiste.
Les suppléments :
Guillemette Odicino et Eric Libiot devisent pendant quatorze minutes, en une analyse chapitrée qui reprend l’essentiel des qualités du film, mais passent un peu vite sur les défauts. À quoi s’ajoute la bande-annonce.
L’image :
Il faut bien chercher pour trouver de minuscules parasites (vers la fin, pendant le trajet du car) puisque la copie proposée fait honneur au travail d’Alekan, restituant toutes les nuances d’un noir et blanc subtil aux beaux noirs creusés.
Le son :
Malgré de très légers chuintements, les dialogues ressortent avec beaucoup de naturel et de clarté. Fugitivement, la musique est en-deçà. Au total, une bien belle restauration pour cette piste mono avec sous-titres facultatifs.
– Sortie DVD : le 20 juin 2017
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