Le 28 mai 2024
Ce chef-d’œuvre lumineux, teinté d’une douce mélancolie, tient de la leçon de vie et de cinéma.
- Réalisateur : Jean Renoir
- Acteurs : Jane Marken, Gabrielle Fontan, André Gabriello, Sylvia Bataille, Georges D’Arnoux, Jacques B. Brunius
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc, Moyen métrage
- Nationalité : Français
- Distributeur : Agence du Court Métrage, Solaris Distribution, Panthéon Distribution
- Editeur vidéo : M6 Vidéo
- Durée : 0h40mn
- Reprise: 10 juillet 2024
- Date de sortie : 8 mai 1946
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– Reprise en version restaurée : 10 juillet 2024
– Année de production : 1936
Résumé : Par une torride journée d’été, la famille Dufour quitte Paris pour Bezons-sur-Seine. Monsieur Dufour accompagné de sa femme, sa belle-mère, sa fille et son commis s’arrête dans une charmante auberge en bord de Seine. Tandis que le déjeuner sur l’herbe est dressé, deux canotiers viennent à leur rencontre. La chaleur et le vin aidant, il est décidé que Madame Dufour et sa fille, Henriette, iraient faire une promenade en Yole sur les eaux du fleuve en compagnie des deux jeunes hommes. Lorsque les bateaux quittent la rive, le ciel se charge de gris et annonce l’orage à venir...
Critique : On connaît bien aujourd’hui les circonstances du tournage de ce film : le coup de foudre du producteur Pierre Braunberger pour l’actrice Sylvia Bataille, les problèmes, en particulier météorologiques, mais aussi de droits concernant la nouvelle de Maupassant. On sait que les quelques scènes qui n’ont pas été incluses n’avaient qu’une valeur anecdotique : les 40 minutes de Partie de Campagne sont donc bien un tout cohérent, sans manque, une œuvre magnifique et sensuelle.
Jacques Doillon disait qu’il y avait « trop de santé » dans les films de Renoir. Et de fait, la « santé » éclate de partout dans cette parenthèse douce et joyeuse : elle éclate dans la découverte du désir d’Henriette, dans la nouvelle jeunesse de sa mère, dans la vigueur des deux jeunes gens ; le regard amoureux que Renoir pose sur Sylvia Bataille, la filmant longuement sur sa balançoire, bouche ouverte comme un appel muet, attirant les regards (ceux des héros masculins, mais aussi de prêtres et de garçons), rayonne de lumière et de bonheur. La sensualité, suggérée très tôt par les confidences d’Henriette, trouve son acmé quand la jeune fille s’abandonne, et le gros plan du baiser mérite largement sa célébrité.
Si Renoir célèbre cet hédonisme à chaque moment, il l’inclut dans un cadre lui-même propice aux désirs (la balançoire, la rivière) où toute la nature, des brins d’herbes au rossignol, est un chant d’amour. Sans doute le cinéaste n’a-t-il jamais été aussi proche de son père dans cette description d’un jour privilégié. L’enthousiasme d’Henriette, mais aussi celui de sa mère frustrée par son mari, est appuyé par les éléments (l’eau, l’air), les arbres qui dissimulent les amants.
Mais le ver est dans le fruit à l’origine : le père qui dort, Anatole, l’imbécile chaplinesque, souffre-douleur qui prendra sa revanche, et surtout la pluie, plusieurs fois annoncée. Quand elle tombe enfin, Renoir filme un rapide travelling arrière qui signe l’abandon de ce moment heureux. Un carton nous fait passer « quelques années » : Henriette est l’épouse morne d’un Anatole devenu tyran domestique, Henri la retrouve alors que son mari, devenu un nouveau M. Dufour, fait la sieste. Ils s’avouent ne pas s’être oubliés. Elle pleure. La mise en scène vise ici l’essentiel, en une fluidité douce qui correspond parfaitement à la nostalgie et au regret qui inondent la séquence. On est alors loin du bonheur : la satire reprend ses droits, ce coup de griffes asséné à la vie bourgeoise pétrie de conventions et de frustrations. Renoir à travers Maupassant rejoint la fin de L’Éducation sentimentale de Flaubert : « C’est là ce que nous avons eu de meilleur », résume Deslauriers. Une leçon de vie, en quelque sorte, un « carpe diem » mélancolique et sombre.
Dans le même coffret, un autre chef-d’œuvre, La Chienne.
La critique : ICI
Les suppléments
Un documentaire captivant, La direction d’acteurs par Jean Renoir (22mn) montre le cinéaste faire répéter Gisèle Braunberger selon une méthode particulière : la lecture « blanche » du texte, prétexte à refus du cliché et du sentimental, aboutit à trouver la manière personnelle de l’interpréter. Les deux autres bonus sont davantage réservés aux passionnés : 15 minutes d’essais muets et 1h25 de matériel non utilisé par Renoir.
L’image
Quand on a en mémoire la vision pénible de ce film dans des copies éprouvantes, on est saisi : s’il y a un miracle de la restauration, c’est celui-ci, tant l’image est nette, claire, stable.
Le son
La piste Mono 2.0 a été nettoyée et, hors quelques « accidents », les dialogues sont intelligibles, sans arriver à la limpidité.
– Sortie DVD et Blu-ray : le 10 novembre 2015
Galerie photos
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