La vie est un songe
Le 3 novembre 2009
Tsaï Ming-liang nous plonge dans un atmosphère où fantasmes et réalité se confondent. Dans la lignée de Vive l’amour, Visage est une œuvre complexe et poétique.
- Réalisateur : Tsai Ming-liang
- Acteurs : Fanny Ardant, Nathalie Baye, Jean-Pierre Léaud, Jeanne Moreau, Lee Kang-sheng, Mathieu Amalric, Lætitia Casta
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Chinois
- Distributeur : Rezo Films
- Durée : 2h21mn
- Date de sortie : 4 novembre 2009
- Festival : Festival de Cannes 2009
Résumé : Un réalisateur taïwanais est invité à tourner l’histoire de Salomé au Musée du Louvre. Malgré sa réputation, il tient absolument à confier le rôle du roi Hérode à Jean-Pierre Léaud. Pour donner à ce film au budget modeste une chance au box-office, la production s’est résolue à confier le rôle de Salomé à une star de renommée internationale. Mais dès le début du tournage, les problèmes s’accumulent...
Critique : « Un film ressemble toujours à celui qui en signe la réalisation ». [1] Cette citation de François Truffaut est extraite d’un texte dans lequel le cinéaste des Quatre cent coups démontre que peu importe l’implication du réalisateur dans son projet et qu’il ait ou non abondamment dirigé son équipe, un film est toujours à l’image de son cinéaste et de ses intentions, reflétant ainsi les coups de génie et les défauts. En ce qui concerne Tsaï-Ming-liang, le doute n’est pas permis, son style est immédiatement reconnaissable : il favorise toujours les longs plans séquences, la caméra fixe, inscrivant ainsi ses œuvres, et particulièrement Visage, dans une temporalité indéterminée.
- © Rezo Films
Le récit de ce dernier long-métrage pourrait se décrire comme une mise en abyme du dernier film du cinéaste taïwanais - celui-ci prenant les traits de Lee Khang-sheng. Une Nuit américaine modernisée en somme. Le cinéaste joue sur un va-et-vient constant entre le rêve et la réalité ; les fantasmes se pensant et se concrétisant au quotidien. À moins qu’ils ne soient uniquement vécus dans l’imagination des protagonistes ? Le personnage de Laetitia Casta incarne parfaitement cette ambiguïté. Tsaï Ming-liang l’a choisie en fonction de sa carrière de mannequin et de sa photogénie indéniable. Sa beauté à l’écran est incandescente, éminemment sexuelle et pourtant inatteignable. Entièrement désiré, son personnage semble dévoré par les regards du cinéaste fictif complètement fasciné. L’actrice qu’elle interprète recouvre de ruban adhésif tous les objets la confrontant à son regard (miroirs et fenêtres). La Casta des fantasmes du héros n’est pas plus accessible que réelle. Il se joue en effet un jeu avec la matière pour créer une mise à distance autant qu’une érotisation des deux individus. Quasiment nue, l’actrice reste cependant une image, une illusion, un pur objet de cinéma. Son corps est toujours partiellement caché par un voile transparent. À l’inverse, lorsqu’elle se découvre entièrement, c’est le réalisateur qui se retrouve enroulé d’un film plastique, ne pouvant établir de contact physique avec elle. Face à face, l’un et l’autre ne sont pas ensemble, à peine l’effleurement des corps permet-il une plongée fantasmatique.
- © Rezo Films
Visage est ainsi une œuvre donnant libre cours à tous les possibles imaginaires et culturels. Jean-Pierre Léaud, figure emblématique du cinéma de François Truffaut, répond à Lee Khang-sheng, acteur fétiche de Tsaï Ming-liang. Les deux hommes, qui s’étaient côtoyés fugacement sur Et là-bas, quelle heure est-il ?, incarnent les sources d’inspiration du réalisateur. Cette fusion des cultures prend d’ailleurs véritablement corps au Louvre, la porte de sortie de tous les personnages. On découvre d’ailleurs le musée sous un angle que l’on connait peu, voire pas : les sous-sol. Chaque protagoniste doit parcourir couloirs et souterrains pour atteindre une salle de la Renaissance italienne - période au cours de laquelle les peintres ont fréquemment représenté des scènes de l’Ancien Testament, dont les récits ont une portée universelle (et particulièrement l’histoire de la princesse Salomé que Tsaï Ming-liang transcrit à l’écran). La sérénité n’est retrouvée que par l’ouverture au monde et à une certaine réalité qu’apporte et conserve le Louvre.
- © Rezo Films
Dans Visage, les personnages ne parlent presque pas, non parce qu’ils s’expriment dans des langues différentes mais parce que les fantasmes qu’ils développent se passent de mots et que l’essentiel de leurs émotions transparait sur leurs visages. Pour l’admirateur de Truffaut qu’est Tsaï Ming-liang, celui-ci a parfaitement su tirer de ses comédiens le meilleur, à l’instar des considérations de son réalisateur de référence : « L’acteur qui joue un personnage est plus important que le personnage ». Des interprétations subtiles, dans une atmosphère éthérée, à ne plus savoir où sont les frontières du merveilleux, Visage est bien le film le plus abouti de Tsaï Ming-liang depuis Vive l’amour.
[1] François Truffaut, Cinéma, univers de l’absence ?, collectif, 1960
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Norman06 3 novembre 2009
Visage - La critique
Tsai Ming-liang semble se parodier lui-même avec ce non récit chichiteux interminable , sommet de nombrilisme et de poésie bradée. Espérons que ce ne soit qu’un accident de parcours chez ce cinéaste talentueux.