Pastèque party
Le 17 janvier 2008
Faire l’amour est bon pour la santé. Mélancolie du désespoir, beauté des silences. Tsai Ming-liang au sommet.
- Réalisateur : Tsai Ming-liang
- Acteurs : Lee Kang-sheng, Chen Shiang-chyi , Shi Chen
- Genre : Comédie dramatique, Érotique, Musical
- Nationalité : Français, Taïwanais, Chinois
- Distributeur : Pan-Européenne
- Durée : 1h55mn
- Titre original : Tian bian yi duo yun
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans avec avertissement
- Date de sortie : 30 novembre 2005
- Festival : Festival de Berlin 2005
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– Lire notre interview de Tsai Ming-liang
Résumé : La sécheresse est telle à Taïwan que la population est invitée à remplacer l’eau par le jus de pastèque. Elle, c’est en volant l’eau des toilettes publiques qu’elle subsiste. Lui, c’est en montant sur les toits, la nuit tombée, qu’il tente de se rafraîchir en se baignant dans les citernes d’eau de pluie. Solitaires, assoiffés, épuisés par la chaleur et le désir, ils se retrouvent pour mieux se perdre dans l’excitation torride et la saveur de la pastèque.
Critique : Chantre de la poésie moderne, Tsai Ming-liang est un génie méconnu qui bricole des fictions d’une tristesse inconsolable, qui parle mieux que quiconque de l’amour, la frustration, la sexualité, la difficulté de communiquer. En aucun cas des précipités dépressifs mais des films viscéralement mélancoliques dans lesquels des âmes romantiques errent dans un monde déshumanisé à la recherche de l’amour fou. La saveur de la pastèque reprend les thèmes majeurs de Tsai Ming-liang, de l’importance de l’eau à la sexualité malade en passant par la solitude urbaine. Les aficionados seront en terrain connu ; les autres, moins.
Dans La saveur de la pastèque, qui doit être vu comme la suite de Et là-bas, quelle heure est-il ?, on retrouve le même personnage du vendeur de montres qui, le temps d’un film, est devenu acteur de films pour adultes. Il baise, oui, mais sans prendre de plaisir. Il attend, comme tout le monde, l’amour qui peut se manifester n’importe où n’importe quand, en même temps qu’il est titillé par les ahanements d’une actrice japonaise sexy en diable et maniée comme une poupée mécanique. La pastèque du titre est un substitut d’eau en même temps qu’elle peut devenir un apparat sexuel extrêmement torride (voir la première scène). Comme dans tous les Tsai, tout est affaire de regards, de silences, de gestes qui reflètent les maladresses et les sentiments infinitésimaux de gens qui ne nous sont pas si étrangers, avec les mêmes envies silencieuses et attentes secrètes.
Comme dans The Hole, les moments neurasthéniques ou saugrenus sont alternés avec des interludes musicaux qui célèbrent la folie créatrice de l’artiste mais surtout un moyen d’évasion pour les personnages. Sous les peaux de chagrin, on chante la vie - car c’est une comédie musicale - et on baise à la chaîne - car c’est un film pornographique. Après Goodbye, Dragon Inn, ballet formel éblouissant sorti dans l’anonymat estival l’an passé, le cinéaste continue de surprendre et d’édifier des films mirifiques qui ressemblent à toutes ces choses étranges et indéfinissables qui circulent dans nos têtes, qu’on pense uniques et qui en réalité traduisent un même besoin universel. Superbe.
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