Le 2 septembre 2023
Après Hamnet, variation sur la vie du fils de Shakespeare, entre fiction et réalité, Maggie O’Farrell puise son inspiration dans la vie d’une Médicis, pommelant son roman obscur de touches colorées et de détails minutieux, à la manière d’un portraitiste.
- Auteur : Maggie O’Farrell
- Editeur : Belfond
- Genre : Roman, Roman historique
- Nationalité : Irlandaise
- Traducteur : Sarah Tardy
- Titre original : The Marriage Portrait
- Date de sortie : 24 août 2023
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
L'a lu
Veut le lire
Résumé : C’est un grand jour à Ferrare. On y célèbre les noces du duc Alfonso et de Lucrèce de Médicis. La fête est extravagante et la foule n’a d’yeux que pour le couple. La mariée a quinze ans ; rien ne l’avait préparée à ce rôle, mais le décès soudain de sœur aînée a changé son histoire. La fête est finie, Lucrèce est seule dans un palais immense et froid. Seule face aux intrigues de la cour. Seule face à cet homme aussi charismatique que terrifiant qu’est son mari. Et tandis que Lucrèce pose pour le portrait de mariage qui figera son image pour l’éternité, elle voit se dessiner ce que l’on attend d’elle : donner vie à un héritier. Son propre destin en dépend…
Critique : Maggie O’Farrell aime à créer des scènes en apparence disjointes, sa narration bondissant d’année en année, dans un sens puis dans l’autre. Le portrait de mariage ne déroge pas à cette règle. Comme de coutume, cela permet à l’autrice de créer des personnages profonds, construits, faits de différentes strates. Ils existent à plusieurs époques, presque simultanément grâce à cette chronologie en apparence anarchique. Ici, les dates sont recentrées, Lucrèce n’ayant vécu que seize ans, à peine. L’autrice en fait une héroïne féministe, une victime de l’Histoire et du patriarcat malgré sa fougue farouche. Cette héritière des Médicis, fille de Cosme et d’Éléonore de Tolède, dut prendre la place de Maria, sa sœur aînée, et épouser le Duc de Ferrare. Alfonso était connu pour ses emportements, le feu bouillant dans ses veines malgré sa froideur de marbre – la rumeur court qu’il aurait empoisonné cette pauvre adolescente, hypothèse démentie par de nombreux érudits. C’est pourtant le scénario embrassé par Maggie O’Farrell ici, quoiqu’elle prenne soin de préciser les libertés prises, eu égard à l’Histoire dans une note finale brève mais appréciée – dès les premières pages, elle emprisonne ainsi son héroïne dans un château lugubre, digne des romans gothiques, et glisse en elle la certitude que son époux veut sa mort.
Bien vite, c’est l’enfance de Lucrèce qui est relatée, ce destin inéluctable qui l’a menée à quitter Florence, à mettre ses pas dans ceux de Maria, l’une des héroïnes de Perspective(s) de Laurent Binet. Des moments spécifiques sont racontés, peints par la romancière avec la patience d’un artiste réalisant une toile. Chacun de ces chapitres, dépeignant tantôt les derniers instants de Lucrèce, tantôt son âge tendre, pour s’acheminer vers sa vie d’épouse, cet entre-deux bien triste, fait de nuits à craindre et de journées à occuper en fuyant la présence glaciale de cet homme trop grand, semble composer un tableau, éléments à assembler pour que la fresque prenne vie. Cette époque, portée par l’amour des arts, est emprisonnée dans les pages, traduite par le soin que Lucrèce porte à ses tavola. Elle aime esquisser et colorer depuis son enfance, cette passion déteignant sur son environnement, et même sur le fil du récit en lui-même. Le décor se pare de reflets dorés, les pigments composant le monde révélé à son regard attentif et curieux. L’autrice métamorphose chaque détail, s’y attarde pour que les scènes semblent s’animer, baignées par la lueur des chandelles ou les rayons du soleil, bientôt tamisés par les lourdes tentures qui masquent les fenêtres et bordent les baldaquins, avalées par les couleurs sombres des robes, leur velours nuit ou vert forêt. Comme dans Hamnet, la nature occupe ici aussi une place à part, les flâneries de Lucrèce colorant d’une teinte particulière certains passages et s’invitant comme des réminiscences entre les murs clos, réveillées par les fresques, les moulures et les plafonds.
Maggie O’Farrell - Le portrait de mariage
Belfond
416 pages
140 x 225 mm
23,50 euros
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.