Le 10 décembre 2022
Tsai Ming-liang radicalise une démarche déjà épurée depuis ses premiers films des années 90. Cette œuvre contemplative, composée de seuls plans fixes, est une métaphore de la solitude dans les sociétés contemporaines et possède un réel pouvoir de fascination.
- Réalisateur : Tsai Ming-liang
- Acteurs : Lee Kang-sheng, Anong Houngheuangsy
- Genre : Drame, Romance, LGBTQIA+
- Nationalité : Taïwanais
- Distributeur : Capricci Films
- Durée : 2h06mn
- Titre original : Rizi
- Date de sortie : 30 novembre 2022
- Festival : Festival de Berlin 2020
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– Année de production : 2020
Résumé : Accablé par la maladie et les traitements, Kang erre dans les rues de Bangkok pour conjurer sa solitude. Il rencontre Non qui, contre de l’argent, lui prodigue massages et réconfort.
Critique : Révélé dans les années 1990, Tsaï Ming-liang a été un maître du cinéma taïwanais depuis la découverte de Vive l’amour ! et La rivière. Adepte d’un art épuré et contemplatif, le réalisateur a souhaité dans son œuvre saisir un certain malaise contemporain, explorant notamment la solitude et la frustration de l’individu. Le personnage au prénom récurrent de Hsiao Kang, parfois le même, souvent un autre (mais le doute est délibérément installé), est toujours incarné par Lee Kang-sheng, acteur fétiche des longs métrages du réalisateur depuis Les rebelles du dieu néon. Si Tsai Ming-liang est aussi l’auteur du décalé La saveur de la pastèque, érotique et musical ; et s’il s’est parfois fourvoyé avec des commandes culturelles (Visage), il a globalement été fidèle à son style initial, dépouillé à l’extrême, comme l’avait attesté Les chiens errants.
- © Homegreen Films
Présenté à la Berlinale 2020, Days pousse encore plus loin le curseur. L’action dans ce film est transposée à Bangkok. Hsiao Kang, qui a maintenant atteint la cinquantaine, est éreinté par des douleurs musculaires, que les différentes médecines n’arrivent pas à soulager. Non est un jeune Laotien qui mène une vie sociale restreinte, préférant cuisiner dans son petit appartement au confort sommaire. Les deux hommes vont être amenés à se rencontrer… Le scénario n’est guère plus fourni, et les dialogues sont quasiment inexistants. Le film est d’ailleurs présenté sans sous-titres à l’international. Mais l’essentiel n’est pas là. La force des images est réelle, et Tsai Ming-liang utilise quelques dizaines de plans fixes qui réussissent à créer une réelle fascination, au-delà de la banalité des actes filmés. La méthode rappelle Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman ou les expérimentations de Jean-Marie Straub.
- © Homegreen Films
« Pour moi, ce qui est primordial c’est l’image. C’est la forme qui parle bien plus que le contenu. Je veux mobiliser le regard, les sens, ne pas les parasiter avec trop de paroles. La lenteur, la fixité, mon souci de ne pas multiplier les points de vue, ce sont des manières de mieux laisser les spectateurs s’imprégner des images afin de s’y trouver une place », a ainsi déclaré le réalisateur dans le dossier de presse. Non seulement le résultat n’est guère ennuyeux, mais Days offre une sensation visuelle incisive pour qui accepte le dispositif et son pouvoir hypnotique. Des scènes de rue, semi-documentaires, s’intègrent avec harmonie au projet de Tsai. Et si les personnages ne sont guère bavards, le travail sonore du métrage est réel, sans le recours à une partition musicale artificielle. En même temps, le réalisateur tente une mise en abyme troublante, pour qui sait que les douleurs ressenties par Hsiao Kang sont aussi celles de son interprète, de même que Non est joué par Anong Houngheuangsy, un jeune immigré qui a également connu la précarité, et dont il s’agit du premier rôle au cinéma. Œuvre la plus radicale de Tsai Ming-liang, Days a sa place de choix au panthéon du cinéma de l’incommunicabilité, et s’avère donc être un véritable enchantement cinématographique.
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